La procédure de saisie immobilière a été largement réformée par l’ordonnance du 21 avril 2006 qui a eu notamment pour objet de raccourcir les délais de la procédure et de promouvoir la possibilité pour le débiteur de vendre le bien saisi à l’amiable.
Ainsi, de l’ancienne audience éventuelle (qui comme son nom l’indiquait ne se tenait que si un incident avait été préalablement formé par le débiteur), est-on passé à l’audience d’orientation qui est devenue obligatoire et le point d’orgue de la procédure.
En effet, après la délivrance et la publication du commandement de saisie au service de la publicité foncière, le créancier poursuivant doit dans le délai de 2 mois de la publication, assigner le débiteur et les créanciers inscrits à l’audience d’orientation.
Quel est l’objet de cette audience ?
L’article R 322-15 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) dispose « A l’audience d’orientation, le juge de l’exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L.311-2, L.311-4 et L.311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée. Lorsqu’il autorise la vente amiable, le juge s’assure qu’elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur. »
L’audience d’orientation a donc une grande importance tant pour le créancier saisissant que pour le débiteur saisi.
A/ Une importance capitale pour le créancier saisissant
Lors de cette audience, le juge de l’exécution va vérifier :
– si le créancier saisissant est bien détenteur d’un titre exécutoire à l’encontre du débiteur saisi ;
– si le bien objet de la saisie immobilière est bien saisissable ;
– le montant de la créance cause de la saisie et en cas de contestation par le débiteur, statuer sur celle-ci.
– trancher les éventuelles autres contestations formées par le débiteur.
Le créancier poursuivant doit donc être en mesure lors de cette audience de justifier de la régularité de la procédure en produisant notamment son titre exécutoire, la justification du montant de sa créance et son caractère exigible, le commandement de saisie délivré et l’état sur publication.
Le créancier doit être en mesure de justifier du montant de sa créance car le juge de l’exécution, même en l’absence de contestation du débiteur, n’est pas tenu par celui indiqué dans le commandement de saisie (Cass. 2e Civ, 24 septembre 2015, n°14-20009).
Le créancier devra être également répondre aux éventuelles contestations du débiteur tant sur la créance que sur la régularité de la procédure et sur une éventuelle contestation de la mise à prix. En effet, en application de l’article L.322-6 du CPCE le débiteur peut en cas d’insuffisance manifeste de la mise à prix demander au juge de la modifier. Mais dans cette hypothèse, et en cas de carence d’enchère lors de l’audience d’adjudication, le créancier poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour le montant de sa mise à prix initiale.
Enfin, le créancier poursuivant pourra également être amené à donner son avis sur la vente amiable proposée par le débiteur.
B/ Une importance capitale pour le débiteur
Comme on l’a vu le débiteur peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de vendre à l’amiable son bien. Cette demande peut être présentée sans avocat, à la différence des autres incidents. Le débiteur devra justifier avoir accompli de réelles démarches pour la mise en vente de ce bien (mandats confiés à des agences immobilières voire compromis de vente). Le juge s’il autorise la vente amiable va fixer le prix en deçà duquel le bien saisi ne peut être vendu. La vente amiable doit intervenir rapidement puisque le juge fixe dans le jugement d’orientation la date de la nouvelle audience (communément appelée « audience de rappel ou de continuation ») qui ne peut être éloignée de plus de 4 mois de la première audience, pour vérifier que la vente est bien intervenue. Ce délai ne peut être prorogé qu’une fois pour une durée de 3 mois et uniquement si le débiteur justifie d’un engagement écrit d’acquisition afin de permettre la rédaction et la conclusion de l’acte de vente.
Mais surtout si le débiteur entend contester la régularité de la procédure et/ou la créance cause de la saisie, il doit impérativement le faire lors de l’audience d’orientation. En effet, l’article R.311-5 CPCE dispose qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Ainsi toute contestation relative à la créance, au titre exécutoire ou à la régularité de la procédure antérieure à l’audience d’orientation doivent impérativement être soulevées, par voie de conclusions d’avocats, lors de celle-ci.
La jurisprudence applique très strictement cette disposition (Cass. 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-18.343 : JurisData n° 2017-012277 ; Procédures 2017, comm. 184 , C. Laporte. – Cass. 2e civ., 7 juin 2018, n° 17-14.038, inédit). Cette règle s’applique également en appel et en conséquence la Cour d’appel n’examinera que les contestations et demandes incidentes qui auront été soumises au juge de l’exécution lors de l’audience d’orientation. Les contestations et demandes incidentes soulevées pour la première fois en cause d’appel sont donc irrecevables (Cass. com., 17 sept. 2017, n° 15-28.833 : JurisData n° 2017-017684 . – Cass. 2e civ., 1er mars 2018, n° 17-11.806, inédit).
C/ Un jugement d’orientation aux effets importants
Le jugement d’orientation peut, comme on l’a vu, autoriser la vente amiable du bien saisi et en fixe les conditions ainsi que le montant des frais taxés.
Il statue également sur les éventuelles contestations qui auront été formées par le débiteur.
A défaut de contestation, l’article R.322-18 CPCE prévoit que le jugement mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et accessoires.
Or par un avis du 12 avril 2018, la Cour de Cassation a précisé que ce jugement en ce qu’il fixe la créance du poursuivant a autorité de chose jugée au principal qu’une contestation ait ou non été élevée sur ce montant. Et cette autorité de chose jugée s’impose à tout juge saisi ultérieurement (pour le juge de la procédure collective : Cass.com, 13 septembre 2017, n°15-28.833 et pour le juge de la saisie des rémunérations : Cass.2e civ, 6 septembre 2018, n°17-21337).
Ainsi, la créance telle que fixée par le jugement d’orientation ne peut être remise en cause (sauf bien évidemment hypothèse d’un appel et que ce point ait été débattu devant le juge de l’exécution).
Conclusion :
Le créancier poursuivant et le débiteur saisi doivent donc être particulièrement vigilants lors de l’audience d’orientation qui constitue la pierre angulaire de la procédure de saisie immobilière et dans la plupart des cas la seule audience au cours de laquelle chacun pourra faire valoir ses droits et contestations.
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Valérie Desforges
Avocat Associé
ADEMA AVOCATS
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