Outil hybride largement inspiré de la technique anglo-saxonne du prepackaged plan, la sauvegarde financière accélérée a été intégrée à l’arsenal législatif français par la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010. Réponse législative à une prise de conscience, d’une part, des difficultés pratiques que peut susciter la mise en œuvre des comités de créanciers (Eurotunnel) et, d’autre part, de la nécessité, dans certains dossiers, d’arrêter un plan dans des délais très courts (Technicolor et Autodis), ce dispositif a rencontré un succès mitigé. La sauvegarde financière accélérée a été critiquée en raison, principalement, de son champ d’application limité, mal adapté aux opérations de LBO, alors que l’objet du mécanisme était précisément de traiter la problématique du « mur de la dette des LBO », telle que soulignée par les travaux parlementaires. Devenue une déclinaison de la sauvegarde accélérée « de droit commun » instaurée en 2014, la transposition en droit français de la directive européenne du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive devrait lui offrir de nouvelles perspectives.
La procédure de sauvegarde financière accélérée est ouverte à la demande d’un débiteur engagé dans une procédure de conciliation et qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à la pérennité de l’entreprise. Ce projet doit être susceptible de recueillir, de la part des créanciers à l’égard de qui la procédure produira effet – à savoir, et c’est son originalité par rapport à la sauvegarde accélérée, ses créanciers financiers – un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption.
La SFA se singularise donc par un cantonnement de ses effets aux seuls créanciers financiers. En effet, seules les créances éligibles au comité des établissements de crédit et (le cas échéant) les créances obligataires sont affectées par la procédure. Ainsi, contrairement à une procédure de sauvegarde « classique », les autres créances (notamment, les créances fournisseurs, les créances salariales etc.) restent hors du champ de la procédure. La SFA permet donc d’isoler le traitement des problématiques financières de l’exploitation, laquelle ne subit pas les effets de la procédure.
La sauvegarde financière accélérée est également souvent qualifiée d’hybride, dans la mesure où elle emprunte la plupart de ses critères d’éligibilité à la sauvegarde de droit commun tout en en instituant d’autres propres.
Elle poursuit un objet précis : permettre au débiteur de parvenir à un accord de restructuration financière dans un cadre amiable et confidentiel avec ses créanciers financiers et le mettre en œuvre dans un calendrier très court, tout en s’affranchissant de la nécessité d’obtenir un accord unanime des créanciers parties à la procédure amiable.
En d’autres termes, la procédure de sauvegarde accélérée permet d’imposer un plan aux créanciers récalcitrants à un accord dans le cadre d’une procédure de conciliation, via la mise en œuvre des règles de vote au sein des comités, en un laps de temps rapide.
De par sa construction, la procédure de sauvegarde financière accélérée apparaît donc comme particulièrement adaptée à la restructuration de la dette des holdings d’acquisition dans le cadre d’opérations de LBO. Si son intérêt apparaît indéniable dans le cadre de restructurations d’envergure, notamment lorsque la société a des titres de dettes cotés ou largement diffusés (AgroGeneration par exemple), la procédure de sauvegarde financière accélérée reste néanmoins sélective et peu adaptée aux opérations de LBO de moindre ampleur.
En effet, dans ce type d’opérations, la société holding endettée ne remplit souvent pas les conditions de taille en termes d’emplois ou de chiffre d’affaires (sauf s’il s’agit d’une holding animatrice), étant précisé que celles-ci s’examinent par entité et non en appréciant le montage global holding-société sous LBO.
Le critère de total de bilan, introduit en 2014, devait permettre d’ouvrir un peu plus son champ d’application. Depuis l’assouplissement de ses seuils d’éligibilité en 2014, le mécanisme concerne les entreprises dont (conditions cumulatives) (i) les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou par un expert-comptable, (ii) le nombre de salariés est supérieur à 20, ou le chiffre d’affaires supérieur à 3 millions d’euros hors taxes, ou le total du bilan supérieur à 1,5 millions d’euros et (iii) qui ont établi des comptes consolidés.
Ces seuils sont plus souples que ceux au-delà desquels la constitution des comités de créanciers est imposée (150 salariés ou chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros hors taxes).
En ce qu’elle permet d’imposer judiciairement un accord à une minorité de créanciers financiers récalcitrants, la procédure de sauvegarde financière accélérée est souvent présentée comme une « arme de dissuasion » au service des négociations dans le cadre de la procédure de conciliation. Elle offre en effet l’opportunité à l’entreprise de se départir des règles de vote et de majorité prévues par le droit commun et la documentation contractuelle en imposant une discipline commune à ses créanciers financiers. Elle est pourtant aujourd’hui un outil rarement utilisé en pratique.
La transposition de la directive européenne du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructurations préventive, qui tire notamment son inspiration du tandem conciliation-sauvegarde de droit français, devrait lui ouvrir de nouveaux horizons. Dans son rapport du 25 septembre 2020, le groupe de travail du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris recommande d’instaurer une procédure nouvelle regroupant la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée dédiée à la transposition de la directive (et notamment du mécanisme des classes de créanciers). La sauvegarde de droit commun telle que nous la connaissons aujourd’hui devrait rester en dehors du champ d’application de la directive.
L’influence du droit européen devrait donc permettre au législateur français d’achever son ouvrage ébauché en 2010.
Timothée Gagnepain
Avocat Associé
McDermott Will & Emery