Cartel des sandwichs : l’Autorité de la concurrence sanctionne les trois principaux fabricants français de sandwichs pour des pratiques d’entente anticoncurrentielle portant notamment sur les prix.

La question du prix dans le cadre de négociations tarifaires soulève incontestablement des risques d’entente anticoncurrentielle. Bien que les entreprises soient de plus en plus sensibilisées à ces risques, il n’empêche que les décisions de l’Autorité de la concurrence ne se rarifient pas et viennent condamner avec une grande sévérité les pratiques d’entente sur les prix. Le secteur agroalimentaire continue de fournir de nombreux exemples de cartels (yaourts, compotes, endives, etc.), mais il n’est bien évidemment pas le seul.

Dernièrement, en mars 2021, l’Autorité de la concurrence a sanctionné les trois principaux fabricants français de sandwichs industriels vendus sous marque distributeur, Roland Monterrat, La Toque Angevine (LTA) et Daunat, pour des pratiques d’entente anticoncurrentielle portant notamment sur les prix (Décision n°21-D-09 du 24 mars 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs sous marque de distributeur). Ces pratiques, qui ont duré pendant six ans, ont été révélées grâce à une demande de clémence formulée par l’un des protagonistes, la société Roland Monterrat. Il convient d’ailleurs de noter que LTA et Daunat ont également sollicité le bénéfice de la clémence, de sorte que cette affaire est la première en France pour laquelle toutes les parties ont sollicité le bénéfice de cette procédure.

Après une période marquée par une véritable guerre des prix, les fabricants de sandwichs susvisés ont convenu d’un « pacte de non-agression » à la fin de l’année 2010, qui reposait sur une volonté commune de maintenir leurs parts de marché auprès des opérateurs de la grande distribution. Conformément à ce pacte, les fabricants ont échangé des informations portant non seulement sur l’attribution des appels d’offres auprès des grandes et moyennes surfaces alimentaires (GSA), mais également sur les négociations tarifaires bilatérales menées avec elles.

Concernant ce dernier point, il se trouve qu’ils ont décidé de coordonner leurs négociations tarifaires avec les enseignes de la GSA dans le but d’obtenir des hausses de prix dans le cadre des marchés en cours d’exécution. Dans ce contexte, ils ont mené des discussions qui portaient notamment sur la période à laquelle les hausses de tarifs devaient être demandées au client, le but sous-jacent étant de ne pas interférer avec une négociation en cours entre l’un des fabricants et ce client. Le niveau des hausses tarifaires demandées aux clients, ainsi que les motifs avancés auprès des clients pour appuyer les demandes tarifaires, étaient également évoqués entre les fabricants de sandwichs. 

L’Autorité de la concurrence a considéré que ces pratiques ont conduit à réduire la part d’incertitude inhérente à toute négociation commerciale afin d’améliorer la position des fabricants de sandwichs vis-à-vis des distributeurs. Par des échanges visant notamment à s’accorder sur le niveau des prix à proposer aux clients, ces fabricants ont mis en œuvre un mode d’organisation substituant une collusion au libre jeu de la concurrence.

L’Autorité de la concurrence en a déduit ainsi que ces pratiques étaient constitutives d’un accord qui présente, compte tenu de leur nature et de leur finalité, un objet anticoncurrentiel prohibé par les articles 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne et L. 420-1 du code de commerce. Elle a ainsi sanctionné, pour un montant global de 24 574 000 euros, les fabricants de sandwichs, étant précisé que la société Roland Monterrat a bénéficié d’une exonération totale de sanction au titre de sa qualité de premier demandeur de clémence.

En condamnant fermement une pratique d’entente horizontale entre fournisseurs, le gendarme de la concurrence vient rappeler les risques significatifs associés aux pratiques d’entente portant sur les prix. La tentation reste parfois forte pour les opérateurs économiques, dans leurs négociations commerciales, d’échanger des informations sur les prix au risque de basculer de la simple veille concurrentielle au cartel sur les prix.


Christophe Pecnard, Avocat Associé, NOMOS

Amyra Khalidi, Avocat à la Cour, NOMOS