Filiales en difficulté, garanties intra-groupe : quels sont les risques ?

Reinhard DammannReinhard Dammann
Avocat Associé
CLIFFORD CHANCE
Intervenant EFE à la formation « Conventions intra-groupe : maîtrisez les nouveaux risques » les 27 et 28 novembre 2013 à Paris

Rédaction Analyses Experts :
Filiales en difficulté : quels sont les risques réels pour la holding du groupe?

Traditionnellement, le concept du « devoir d’actionnaire » n’existe pas en droit français. La simple qualité d’actionnaire, même majoritaire (voire unique) ne suffit donc pas, juridiquement, pour mettre à la charge de la holding du groupe les dettes de sa filiale en difficulté.

En pratique, différentes zones de risque doivent néanmoins être évoquées.

L’un de ces risques est évidemment celui qui pèse sur la holding ayant consenti des garanties à sa filiale en difficulté. Le « gel » du passif de la filiale, si celle-ci vient à faire l’objet d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ne bénéficiera pas à la holding. Elle pourra donc être poursuivie par les créanciers et se trouver elle-même contrainte de demander l’ouverture d’une procédure collective.

Une deuxième zone de risques tient aux actions en extension de procédure ou en comblement de passif que les organes de la procédure collective pourraient être tentés d’engager à l’encontre de la holding.

La jurisprudence tend clairement à réserver les extensions de procédure collective à des cas exceptionnels, tant les effets de cette mesure sont radicaux. Il faut bien comprendre, en effet, que l’extension à une holding de la liquidation judiciaire de sa filiale aboutit à la liquidation de la holding elle-même, même dans l’hypothèse où celle-ci serait parfaitement viable. Cette option procédurale n’est donc ouverte aux organes de la procédure collective qu’en présence d’abus caractérisés : création d’une société fictive ou confusion des patrimoines. Depuis l’affaire Metaleurop, il est acquis que le simple fait qu’existent de nombreuses conventions intra-groupe, voire une véritable dépendance financière de la filiale à l’égard de la société mère, ne suffisent à démontrer ni la fictivité, ni la confusion des patrimoines.

L’action en comblement de passif peut quant à elle viser tous les dirigeants de droit ou de fait de la filiale en difficulté. Il est relativement rare que la holding soit elle-même, en tant que personne morale, dirigeant de droit. La clé de ces contentieux résidera alors bien souvent dans la capacité des organes de la procédure collective à démontrer que la holding s’est comportée comme un dirigeant de fait, par exemple s’il est établi que les représentants légaux ne se sont en réalité comportés que comme des marionnettes sans aucune autonomie décisionnelle.

Enfin, depuis quelques années, il nous semble que le principal risque tient aux actions que les salariés de la filiale pourraient tenter d’engager directement contre la société holding. Depuis la fameuse jurisprudence Aspocomp, le principal fondement juridique invoqué est la théorie du co-emploi, qui veut qu’en présence d’une « confusion d’intérêts, d’activités et de direction », l’actionnaire puisse être considéré comme un « co-employeur » des salariés de la filiale, responsable, dès lors, du paiement de leurs indemnités de licenciement.

C’est cette palette de risques qui permet d’expliquer la pratique, assez répandue, des cessions « à prix négatif » de filiales en difficulté à des repreneurs qui auront pour mission de tenter de redresser la filiale et qui supporteront donc, en cas d’échec, les risques liés à une éventuelle procédure collective de la filiale en question.

 

Rédaction Analyses Experts:
Garanties intra-groupe : comment encadrer l’engagement au sein du groupe ?

En matière de garanties intra-groupe, deux principaux cas de figure peuvent apparaître.

Le premier est celui de l’actionnaire qui, sous la pression de créanciers, fournisseurs ou commissaires aux comptes, accepte de donner des garanties ou lettres de confort aux créanciers de sa filiale. Attention, alors, aux termes utilisés. Si les lettres de confort peuvent sembler plus « légères », en termes d’engagement, qu’un cautionnement en bonne et due forme, elles peuvent en réalité se révéler lourdes de conséquences si la filiale vient à faire l’objet d’une procédure collective.

Le deuxième cas est celui de la filiale qui consent une garantie « ascendante » au profit de son actionnaire. Ce schéma doit évidemment conduire à s’interroger sur la conformité de l’opération à l’intérêt social de la filiale. Les dirigeants courent le risque de voir leur responsabilité personnelle engagée s’ils privilégient l’intérêt de l’actionnaire sur celui de la filiale, et la validité de la garantie pourra le cas échéant être remise en cause. La pratique habituelle consiste donc à ne permettre la mise en place de telles garanties qu’à concurrence du montant que l’actionnaire aura emprunté pour le prêter à la filiale en question. La filiale reçoit donc, « en contrepartie » de sa garantie, un prêt du même montant.

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