Garantie de passif : compensation et compensation

P_Torre_Por_MDPhilippe Torre
Avocat Associé
REINHART MARVILLE TORRE
Intervenant EFE à la formation  » Cessions d’entreprises et garanties de passif « , le mardi 15 octobre 2013 à Paris. Auteur de l’ouvrage  » Les garanties de passif  »  Éditions EFE.

Deux concepts de compensation sont utilisés en matière de garantie de passif.

L’un beaucoup trop et l’autre pas assez.

Le premier consiste à compenser i) tout supplément d’actif et toute diminution de passif ayant une origine antérieure à la cession et se révélant postérieurement avec ii) tout supplément de passif et toute diminution d’actif ayant la même origine dans le temps.

Le second consiste à utiliser la compensation, acheteur/vendeur, cédant/garant,  i) d’un solde du prix payable à terme et ii) d’une créance, née d’une réclamation au titre de la garantie de passif.

1. La délétère compensation tous actifs tous passifs

Le premier mode de compensation est l’exemple type de la fausse évidence qui amène l’homme du chiffre (surtout) mais aussi trop souvent l’homme du droit (encore plus fâcheux), à mêler abusivement les phases de réalisation d’une opération d’acquisition.

Et à traduire cette confusion, dans une clause qui permettra à l’acheteur d’opposer au vendeur, plusieurs mois ou plusieurs années après la cession, un supplément d’actif dont il ignorait totalement l’existence à la date de la vente, au point d’être incapable de le décrire même dans son principe !

Ce qui ne l’empêchera pas d’anéantir, si une telle clause est prévue, la portée d’une mise en jeu, parfaitement justifiée, de la garantie de passif.

Ainsi, un acteur du transport routier est cédé dans les années 2000 moyennant un prix de cession en dizaine de millions d’euros.

Les vendeurs font l’objet d’une mise en jeu de garantie de passif parfaitement justifiée en millions d’euros.

Ils invoquent la compensation entre ces millions d’euros et un supplément d’actif constaté plusieurs années après la cession, consistant dans le droit pour la société cédée d’obtenir le remboursement, par l’État français, de millions d’euros de TVA déductible dite « péage ».

La créance de la société cédée ayant pour origine le passage des camions aux péages avant la cession de l’entreprise, ces vendeurs ont pu échapper très largement à l’exposition financière de garantie de passif, alors même qu’à la date de la cession ils ignoraient tout de ce qui allait être pour eux une véritable pépite de compensation tous actifs tous passifs !

Or pour nous, dans une application raisonnée de la création de valeur en matière de transmission d’entreprise, d’un propriétaire l’autre, un vendeur doit être capable de mettre dans son prix de cession tout ce qui, pour lui propriétaire, relève de la valeur de son bien : ce que l’on peut aisément imaginer en matière de provision excessive sur stock ou créance client ou pour quelques actifs précisément ciblés.

S’il n’en est pas capable, cela signifie que la pépite n’est pas pour lui, mais appartient au nouveau propriétaire de l’entreprise dont le génie propre, ou la chance, en aura permis l’émergence.

Une garantie de passif n’a pas pour vocation de permettre à un propriétaire d’entreprise de ponctionner la valeur de cette même entreprise 5 ans après sa cession par le simple effet de la chance.

Une clause de compensation tous actifs tous passifs est donc intrinsèquement perverse et doit être impitoyablement éliminée des conventions de garantie, surtout lorsque l’on est en position d’acquéreur !

2. La compensation sous-utilisée entre solde de prix et créance de garantie

Le second mode de compensation est quant à lui injustement sous-utilisé, ou mal utilisé, en matière de garantie de passif.

Ces clauses de compensation entre un solde du prix et une créance de garantie sont parfois stipulées.

Leur efficacité sera toutefois très relative si leur temporalité n’est pas précisément travaillée.

Le solde du prix sera dû, donc liquide et exigible, à une date bien définie au contrat.

La créance de garantie, pour sa part, ne trouvera son exigibilité et sa liquidité naturelle qu’à l’issue de délais de procédure qui, selon les circonstances et les juridictions, s’échelonneront entre quelques semaines et… 3 à 10 années.

Les tribunaux saisis en référé par un vendeur souhaitant la condamnation de son acquéreur à lui payer sans délai les sommes restant dues au titre du prix ne sont généralement pas indifférents à l’existence de nombreuses réclamations qui, à terme, pourraient constituer une créance de garantie du vendeur sur l’acquéreur.

Il est ainsi possible pour un acquéreur d’échapper à une sanction immédiate et d’obtenir le renvoi de l’affaire au fond.

Si le litige en garantie de passif est déféré devant le même tribunal, une jonction de l’ensemble des affaires, si l’avocat de l’acquéreur est habile au contentieux, peut être obtenue.

Ainsi l’ensemble des dossiers sera traité simultanément et une compensation d’origine judiciaire interviendra.

Cette issue sera toutefois grandement facilitée si l’habilité de l’avocat de l’acquéreur s’est illustrée au préalable, par l’insertion au contrat de garantie d’une clause de compensation qui, à titre conservatoire dans l’attente de décisions de justices définitives, accélèrera la liquidité et l’exigibilité de la créance potentielle de garantie, permettant ainsi à l’acquéreur d’échapper au paiement du solde du prix à due concurrence des réclamations formellement justifiées qu’il aura notifiées au vendeur.

Dans certaines opérations, ce mode opératoire pourra éviter la lourdeur de la mise en place d’autres instruments de garantie de la garantie.

Tout ceci suppose une rédaction appropriée de la clause de compensation sur les questions de liquidité et d’exigibilité et, parfois, de réciprocité.

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