L’impact de la transposition de la directive Restructuration du 20 juin 2019 sur la procédure de sauvegarde : Changement de paradigme.

La transposition de la directive Restructuration prévue à l’horizon mai 2021 par la loi PACTE entrainera un bouleversement de la procédure de sauvegarde.

La place parisienne se rappelle la sauvegarde de Rallye où le débiteur a pu imposer à l’ensemble de ses créanciers un rééchelonnement de sa dette sur une durée de dix ans sans que les créanciers ne puissent s’y opposer ou soumettre un plan alternatif. Le plan de sauvegarde prévoyait également qu’une partie du cash-flow en provenance de la distribution de dividendes de Casino devait être affectée à financer les procédures de sauvegarde ouvertes en faveur des Holdings financières du groupe.

A la suite de la transposition de la directive Restructuration, un tel scénario devient impossible.

En effet, la directive prévoit trois principes directeurs incompatibles avec le plan de sauvegarde de Rallye.

D’abord, la directive est fondée sur le principe de la négociation du plan de restructuration entre le débiteur et ses principaux créanciers réunis en classes en fonction de leur rang – qui peut d’ailleurs également comprendre des actionnaires, traités comme des créanciers de dernier rang. Le plan imposé à la française par le tribunal contre la volonté des créanciers ne semble pas pouvoir trouver sa place dans une telle architecture.

Le deuxième grand principe est le best interest of creditor test aux termes duquel un créancier doit toujours bénéficier dans le cadre du plan d’une solution au moins aussi favorable qu’en cas de liquidation judiciaire.

Enfin, dans une répartition de créanciers en classes en fonction du rang de leurs créances, la directive prévoit, dans une perspective financière, que le plan doit nécessairement privilégier les intérêts des créanciers d’un rang supérieur à ceux d’un rang inférieur. A cet effet, la directive prévoit, pour les États membres, un choix entre l’absolute ou la relative priority rule.

Selon la relative priority rule, le plan doit prévoir un traitement plus favorable des créanciers d’un rang supérieur, permettant de ce fait une certaine souplesse dans l’appréciation de la nature de cet avantage, entrainant un manque de sécurité juridique.

Cela étant, le principal inconvénient de cette règle réside dans la rigidité d’un traitement égalitaire des créanciers de même rang. Or, la pratique française prévoit fréquemment un traitement très favorable des fournisseurs chirographaires qui peuvent être payés immédiatement après l’arrêté du plan alors que les créanciers financiers de même rang font l’objet d’une restructuration (rééchelonnement ou abandon de la créance). Une telle souplesse serait impossible sous le régime de la relative priority rule.

C’est la raison pour laquelle on peut penser que le législateur français optera plutôt pour l’absolute priority rule aux termes de laquelle les créanciers d’un rang supérieur doivent être remboursés intégralement ou du moins en avoir la certitude avant que ne soit envisagé le remboursement d’une classe inférieur. L’application de ce principe, plus stricte que celui re la relative priority rule, prévoit toutefois des assouplissements à condition d’être nécessaire au sauvetage de l’entreprise. Par exemple, il est possible de prévoir que l’actionnaire (créancier de dernier rang) conserve sa participation même si le plan impose des sacrifices aux créanciers chirographaires.

L’avantage de l’absolute priority rule réside dans l’absence d’égalité de traitement des créanciers de même rang, perpéuant ainsi la pratique française prévoyant un traitement favorable aux créanciers fournisseurs. De la même manière, il aurait été possible dans le plan de sauvegarde emblématique de CGG, de traiter différemment les obligataires convertibles (OCEANE) par rapport aux obligataires high-yield, tous deux chirographaires en droit français – la qualité des obligations high-yield étant bien supérieure car bénéficiant de cautionnements consentis par les filiales américaines du groupe, sans toutefois remettre en cause la qualification chirographaire de leurs créances.

En revanche, en application de l’absolute priority rule il aurait été impossible de prévoir dans le cadre du plan de sauvegarde de Rallye de distribuer des dividendes sans assurer le remboursement des créanciers obligataires chirographaires, dont 65% de la dette était remboursable en année dix au moyen d’un refinancement.

Ces quelques exemples démontrent le chamboulement à venir du droit français par la transposition de la directive Restructuration dont les effets doivent être anticipés dès à présent.

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Reinhard Dammann
Reinhard DAMMANN
Avocat à la Cour
DAMMANN
Maître Reinhard Dammann interviendra lors de notre 24ème Conférence annuelle sur le droit des entreprises en difficulté.