Clause d’échelle mobile : mesurez les conséquences de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 21 novembre 2019

La Cour d’Appel de Versailles choisit de diviser la clause d’indexation contraignant la variation de l’indice et sauve ladite clause d’échelle mobile au lieu de la réputer non écrite – Cour d’appel de Versailles, 12ème chambre, 21 novembre 2019, n°18/03710

L’arrêt rendu le 21 novembre 2019 par la Cour d’appel de Versailles est dans la ligne des rares décisions judiciaires ayant choisi de n’annuler que la seule partie de la clause d’échelle mobile contrevenant aux dispositions d’ordre public et non la clause en entier.

On sait, depuis l’arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 14 janvier 2016 que les clauses d’indexation des baux commerciaux ayant pour effet d’exclure toute réciprocité de la variation du loyer sont réputées non-écrites (Cass. 3ème civ., 14 janvier 2016, n°14-24681).

Afin de pallier les lourdes conséquences financières d’une telle sanction, le bailleur demande parfois aux juges du fond de limiter la sanction du réputé non-écrit à la partie illicite de la clause d’indexation, ce qui implique de reconnaître la divisibilité de la clause d’indexation.

Par ce mécanisme, le bail conserve une clause d’échelle mobile nettoyée de toute contrainte de variation indiciaire du loyer.

Toutefois, la divisibilité de la clause d’indexation n’est reconnue par les juges du fond qu’à la condition de démontrer que la commune intention des parties lors de la signature du bail était d’assortir celui-ci d’une clause d’échelle mobile, indépendamment des modalités d’encadrement de ses effets par l’insertion de mécanismes tels qu’un loyer plancher.

Le juge recherche alors la commune intention des parties et le caractère divisible de la clause d’indexation a quelques fois été accepté par les juges du fonds (CA Paris, 20 janvier 2016, n°13/21626 ; CA Paris, 13 avril 2016, n°14/06301 ; CA Paris, 15 mars 2017, n°15/00941 ; CA Paris, pôle 5 – ch. 3, 31 mai 2017, n° 15/04336 ; CA Lyon, 3e chambre A, 18 janvier 2018 – n° 14/10142).

Déterminer la commune intention des parties à un bail qui a été conclu plusieurs années avant la naissance du contentieux est néanmoins délicat.

Dans l’affaire portée devant la Cour d’appel de Versailles, la société bailleresse appelante sollicitait la réformation du jugement de première instance ayant retenu que la clause d’indexation d’un bail stipulant que le loyer ne pourrait en aucun cas être fixé à un montant inférieur à un loyer plancher devait être réputée non-écrite en son entier.

Au soutien de son argumentaire tendant à obtenir la divisibilité de la clause d’indexation, l’appelante se prévalait de la rédaction de la clause d’indexation composée de « deux paragraphes dissociables » et de l’absence de clause stipulant que la fixation d’un loyer plancher était une condition essentielle du bail.

Faisant sienne les moyens soulevés par l’appelante, la Cour d’appel de Versailles fait droit à ses demandes en indiquant que la divisibilité de la clause se déduit du fait que « le paragraphe relatif au loyer plancher est totalement dissociable des autres paragraphes relatifs à l’indexation et au choix de l’indice ».

Ce raisonnement semble critiquable dans la mesure où il se fonde uniquement sur la mise en forme rédactionnelle du bail commercial qui comportait plusieurs paragraphes distincts.

Après avoir souligné qu’aucun élément ne démontre le caractère essentiel de la restriction du loyer plancher, la Cour d’appel indique que le principe de l’indexation relève, quant à lui, « de manière certaine, de la commune intention des parties, de sorte qu’il serait contraire à cette intention de la réputer non-écrite. »

Les juges versaillais semblent également avoir pris en considération le fait que la restriction liée au loyer plancher n’a jamais eu à s’appliquer pour en déduire le caractère accessoire de ce mécanisme.

C’est sur la base de ces motifs que la Cour d’appel de Versailles infirme le jugement de première instance et limite la sanction du réputé non-écrit à la seule partie illicite de la clause d’indexation.

Gageons que ce type de décision restera néanmoins minoritaire. p

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Catherine Saint Geniest

Avocat Associé

JEANTET