Réforme de la procédure civile : une rentrée sur les chapeaux de roues pour les avocats et les juges !

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Ils doivent en effet, depuis le 1er janvier, mettre en application une grande majorité des nouvelles règles applicables devant les tribunaux judiciaires et les tribunaux de commerce qui résultent du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de réforme pour la justice.

Tout d’abord, pour les affaires qui relevaient de la compétence du tribunal d’instance ou du tribunal de grande instance, c’est le tribunal judiciaire qui doit, depuis le 1er janvier 2020, être saisi, dans le cadre d’une procédure qui sera tantôt orale, tantôt écrite, tantôt avec et tantôt sans représentation obligatoire. Le tribunal judiciaire statue à charge d’appel dans les procédures dont l’enjeu est supérieur à 5 000 euros, nouveau taux du ressort. Au sein de ce tribunal judiciaire, la chambre de proximité ou le tribunal de proximité, nouvellement créés, se voient attribuer une compétence dans les 66 matières listées dans le tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire. Cette répartition va inévitablement créer des problèmes de compétence au sein même du tribunal judiciaire. Ils ont été anticipés par une procédure de règlement administratif qui précède si besoin un règlement contentieux (CPC, art. 82-1).

Profond changement également sur la représentation qui devient obligatoire par principe.

Devant le tribunal judicaire, la représentation devient obligatoire que la procédure soit écrite ou orale et donc même en référé (CPC, art. 760).

Quatre exceptions sont toutefois prévues :

-   dans les matières ne relevant pas de la compétence exclusive du tribunal judiciaire,    lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros, les règles d’appréciation du montant de la demande étant précisées aux articles 35 à 37 (CPC, art. 761, 3°) ;  

-   devant le juge des contentieux de la protection (CPC, art. 761, 1°) ;

-   dans certaines matières (énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l'organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l'organisation judiciaire, anciennement dévolues au tribunal d’instance) (CPC, art. 761, 2°) ; 

-   l'Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration (CPC, art. 761, in fine).

Devant le tribunal de commerce, la procédure reste orale mais la représentation devient également obligatoire y compris en référé, sauf en cas de demande portant sur un montant inférieur à 10 000 euros, en cas d’exception légale spécifiquement prévue, en matière de procédures collectives et pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés (CPC, art. 853).

La stratégie contentieuse et la perception de l’appel vont également devoir s’adapter au nouveau principe de l’exécution provisoire de droit de toutes les décisions de première instance qui seront rendues dans les affaires introduites depuis le 1er janvier 2020 (CPC, art. 514 et D. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 55, II).

L’exécution provisoire est absolue lorsque le juge statue en référé, prescrit des mesures conservatoires pour le cours de l’instance, ordonne des mesures conservatoires ou accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état (CPC, art. 514-1, al. 3).

Dans les autres cas, elle est de droit à titre provisoire, sauf dans certaines matières en matière de droit des personnes (notamment en matière de nationalité (CPC, art. 1045), d’annulation et rectification des actes de l’état civil (CPC, art. 1054-1) et d’adoption (CPC, art. 1178-1)).

Lorsqu’elle est de droit, l’exécution provisoire peut néanmoins être écartée, d’office par le juge ou à la demande d’une partie, si elle est incompatible avec la nature de l’affaire et par la décision en cause spécialement motivée sur ce point (CPC, art. 514-1, al. 1 et 2 et 514-2). Le juge dispose ainsi d’une grande liberté dans l’appréciation de l’opportunité d’écarter ou non l’exécution provisoire mais l’on peut supposer que la pratique mettra en œuvre le principe dans une large mesure et ne s’en écartera que dans des cas très spécifiques.

En cas d’appel, il sera toujours possible de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire devant le premier président de la cour d’appel, qui statuera en référé par une décision non susceptible de pourvoi. L’arrêt de l’exécution provisoire sera conditionné à la preuve d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et du fait que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (CPC, art. 514-3). Mais surtout il faudra être bien vigilant à avoir formulé des observations sur l’exécution provisoire devant le premier juge car si ce n’a pas été le cas, il faudra prouver, outre le moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que les conséquences manifestement excessives que risque d’entraîner l’exécution provisoire se sont révélées postérieurement à la décision de première instance (CPC, art. 514-3). En pratique, il faut donc être extrêmement attentif en défense à demander au tribunal, dès la première instance, à ce que l’exécution provisoire soit écartée.

Mais ce n’est pas tout : lorsqu’elle a été écartée par le premier juge, l’exécution provisoire pourra toujours être rétablie, soit par le président soit par le conseiller de la mise en état, si les trois conditions suivantes sont démontrées : l’urgence, la compatibilité du rétablissement avec la nature de l’affaire et l’absence de risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives (CPC, art. 514-4).

L’enjeu du caractère exécutoire de la décision de première instance est primordial car il conditionne le droit d’appel. En effet, la réforme a maintenu la sanction du défaut d’exécution de la décision exécutoire qui est la radiation du rôle de l’affaire sur demande de l’intimé. Cette radiation peut être évitée uniquement si l’appelant prouve que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (CPC, art. 524).

En conclusion, l’appelant d’une décision exécutoire à titre provisoire qui n’exécute pas la décision peut soit demander l’arrêt de l’exécution provisoire en démontrant un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et le fait que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (CPC, art. 514-3) soit attendre que l’intimé sollicite la radiation du rôle de l’affaire et faire alors valoir que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu’il est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Parmi les autres nouveautés, l’on peut citer la création du juge des contentieux de la protection (JCP) institué au sein du tribunal judiciaire et dont les compétences sont définies aux articles L. 213-4-1 à L. 213-4-8 du code de procédure civile. Saisi par requête, il connaît notamment des actions concernant l’expulsion des personnes occupant aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre et des injonctions de payer dans la limite de sa compétence d’attribution (CPC, art. 1406).

Ce sont ensuite les modalités de saisine du tribunal qui sont modifiées, essentiellement en ce que l’assignation est dorénavant faite à jour fixe même devant le tribunal judiciaire et la saisine du tribunal s’effectue par la remise d’une copie de l’assignation dans les deux mois à compter de la communication de la date d’audience. L’assignation doit en outre être remise au plus tard 15 jours avant la date de l’audience lorsque la date d’audience n’a pas été communiquée par la juridiction par voie électronique et lorsque la date d’audience, communiquée par la juridiction par voie électronique, est fixée moins de 2 mois après la communication de cette date (CPC, art. 754). L’assignation avec prise de date n’est toutefois applicable qu’aux actions qui seront introduites à partir du 1er septembre 2020 notamment pour les affaires qui relevaient de la procédure écrite ordinaire jusqu’au 31 décembre 2019 (D. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 55, III). L’unique autre mode de saisine est la requête. Elle est soit conjointe, tant devant le tribunal judicaire que devant le tribunal de commerce, (CPC, art. 54 et 57, 750, al. 3 et 854) soit unilatérale lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement (CPC, art. 750, al. 2). Autre nouveauté : la procédure sans audience, pour laquelle le demandeur peut donner son accord dès l’assignation ou la requête (CPC, art. 752, 753 et 757).

Pour ces litiges dont la demande de paiement n’excède pas 5 000 euros, ainsi que pour ceux relatifs à un conflit de voisinage (CPC, art. 750-1), le recours amiable préalable est obligatoire. En pratique, ce sera la conciliation qui sera probablement la plus utilisée, même si la médiation et la procédure participative sont également possibles. Quelques exceptions au principe ont été prévues, notamment le motif légitime qui pourra relever soit de l’urgence soit de l’indisponibilité des conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. Le recours amiable préalable constitue une condition de recevabilité de l’action, qui peut être soulevée par le juge et qui n’est pas régularisable. Enfin, pour ces litiges, l’absence de mention dans l’assignation ou la requête des diligences entreprises en vue d’une résolution amiable ou la justification de la dispense est sanctionnée par la nullité pour vice de forme. Ces nouvelles règles sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Au titre des changements profonds, il ne faut pas oublier l’extension des pouvoirs du juge de la mise en état, qui se voit attribuer une compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir (CPC, art. 789, 6°). Les parties ne sont donc plus recevables à soulever des fins de non-recevoir devant le juge du fond, sauf si elles sont révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état (CPC, art. 789 in fine). Certaines fins de non-recevoir nécessitent toutefois que soit tranchée au préalable une question de fond. Dans ce cas, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur la fin de non-recevoir, sauf en cas d’opposition d’une partie qui est possible dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées. Le juge de la mise en état renvoie alors l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire (CPC, art. 789, al. 2). L’ordonnance du juge de la mise en état qui statue sur une fin de non-recevoir est susceptible d’appel dans les 15 jours de sa signification (CPC, art. 795, al. 4, 2°).

Au total, il s’agit assurément d’une réforme de la procédure civile, mais d’une simplification, seul l’avenir le dira.

Pour en savoir plus, nous vous donnons rendez-vous le 2 avril :
https://www.efe.fr/formation/reforme-de-la-procedure-civile
Clémence Lemétais-d’Ormesson
Avocat à la Cour
UGGC & AVOCATS