Pourquoi faut-il chaque année, alors que l’on connaît bien les baux commerciaux venir échanger avec un aéropage de spécialistes?

       Telle est la question aurait dit Shakespeare ! Telle est aussi l’interrogation des juristes qui rédigent, négocient des cessions de baux commerciaux ou plaident la pertinence des prétentions de leurs clients. Reste à fournir une réponse aussi nette qu’un arrêt de principe. Notamment s’il est écrit selon les anciennes règles rédactionnelles en vigueur à la Cour de cassation. Tel, exemple topique s’il en est, l’arrêt du 9 février 2017 qui constatât que « l’article L. 145-7-1 du code de commerce, d’ordre public, s’applique aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur ». La réponse était nette. Elle a permis de prévenir les querelles ou d’éteindre les foyers qui couvaient dans plusieurs juridictions de la République. Mais, elle n’a pas manqué de troubler. Les auteurs qui approuvaient la décision parce qu’ils avaient été étonnés du silence du législateur lorsqu’il avait inséré cet article, se laissaient aller à supputer la raison cardinale qui légitimait la brièveté de l’attendu (C. des baux, éd. Dalloz, 2019, s. L. 145-7-1, p. 779). Certes, ils ne le firent que jusqu’à ce que des auteures, particulièrement informées, en fournissent LE commentaire éclairant (V. Rép. Defrénois, 14 déc. 2017. 40, spéc. 47, obs. I. Andrich, F. Auque et C. Corbel). Cela résultait du « caractère impérieux » de la disposition légale. La solution, jusqu’alors implicite, sera éclairée, a contrario, et confortée, explicitement, par l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 11 avril 2019, sur la nature d’ordre public de l’article L. 145-16-2 du code de commerce (Gaz. Pal. 14 mai 2019, n° 18, p. 6, concl. B. Sturlèse, note M.- P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2019, p. 339 et s. et le comm.). L’exemple est topique. Il légitime les entretiens qu’organisent chaque année EFE.

            La seule question de savoir si tel ou tel texte est ou non d’ordre public, et d’application immédiate suppose un éclairage précis pour les conseils.

  Au-delà, la médiocrité de la rédaction des lois récentes en la matière a conduit la Cour de cassation à dire le droit, à l’écrire. À titre d’exemple, on sait qu’il a déjà fallu plusieurs arrêts pour savoir quand, comment appliquer le droit de préférence accordé au locataire sur le local immobilier qu’il loue, lorsque son propriétaire « envisage » (??) de le vendre. Et il reste des points non tranchés (sauf si l’on sait lire les décisions prises en application de l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989.

   À l’heure du Brexit, par un effet de paradoxe, le droit positif français s’écrit au fil des arrêts s’apparente à la « common law » anglaise (sauf pour le caractère impératif du precedent), alors que les Britanniques doivent légiférer au Parlement pour évincer le droit issu des arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Nul doute que les deux journées EFE seront fournies en solutions et explications.

Pour en savoir plus, rendez-vous le 4 et 5 février 2020 pour notre 28ème panorama d’actualité sur les Baux Commerciaux

Joel MONEGER

Professeur de droit privé, chaire Jean Monnet chez Université Paris-Dauphine