LA REFORME DU DROIT DES CONTRATS ET LE REGIME DE LA CESSION DE CONTRAT

L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ratifiée par la loi n°2018/287 du 20 avril 2018, dont l’objectif est de rendre plus lisible et plus accessible le droit des contrats, a consacré le régime relatif à la cession de contrat.

Avant que la réforme ne consacre les dispositions portant sur le régime de la cession de contrat, l’avant-projet de réforme ne lui consacrait qu’un seul article. La cession de contrat est désormais reconnue dans le droit commun des contrats et codifiée aux articles 1216 à 1216-3 du code civil.

Dans le régime antérieur, ce mécanisme n’était reconnu que dans certains cas spécifiques notamment, l’article 1743 du code civil prévoyait la cession du contrat de bail en cas de cession immobilière et l’article L.1224-1 du code du travail la cession du contrat de travail en cas de cession d’entreprise.

L’introduction dans le code civil du régime de la cession de contrat a mis fin à de nombreux débats doctrinaux. La jurisprudence antérieure à la réforme reconnaissait d’ores et déjà la cession de contrat dans des hypothèses non prévues par la loi, en appliquant par exemple le régime de la cession de créance (Civ. 1e, 15 février 2009, n°08-10.230) ou, pour la cession de dette, le régime de la délégation (Civ. 3e, 12 décembre 2001, n°00-15.627).

Alors que la Cour de cassation adoptait cette analyse dualiste ou distributive de la cession de contrat, le législateur a opté pour une analyse moniste, développée par la doctrine, en définissant la cession de contrat à l’article 1216 du code civil comme l’opération tripartite par laquelle un cocontractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.

Ce régime autonome de la cession de contrat entraine d’importantes incidences dans la pratique contractuelle.

Dans l’ensemble des contrats, il était admis de manière constante que l’acceptation du cédé à la cession du contrat pouvait être tacite, la preuve de son acceptation résultant par exemple de la production de factures avec le cessionnaire postérieurement à la cession (Com., 7 janv. 1992, n°90-14.831).

S’agissant d’un contrat tripartite, le législateur a érigé en condition de validité de la cession l’accord du cocontractant cédé (article 1216 al. 1er) et surtout que cet accord soit désormais constaté par écrit à peine de nullité (article 1216 al. 3). Il peut être donné au moment de la conclusion du contrat de cession ou à l’avance (article 1216 al. 2), notamment dans le contrat conclu entre le cédé et le cédant, auquel cas la cession prend effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend connaissance. 

C’est donc la grande nouveauté de ce texte d’imposer aux acteurs économiques de convenir par écrit de la cession, l’absence d’écrit ayant pour conséquence la nullité de la cession.

Il apparait souhaitable que cet écrit soit tripartite pour éviter toute ambiguïté de manière à garantir pleinement le transfert des responsabilités et des droits du cédant vers le cessionnaire.

Au-delà, il convient de préciser dans le contrat que le cédant est libéré pour l’avenir du contrat initial. Les effets du transfert devront ainsi être déterminés dans le contrat de transfert (articles 1216-1, 1216-2 et 1216-3 du Code civil).

A défaut, le cédant sera solidairement responsable de l’exécution du contrat cédé, sauf clause contraire excluant sa responsabilité conjointe et solidaire. Il reste alors responsable des créances antérieures à la cession et le nouveau cocontractant, le cessionnaire, devient responsable des créances postérieures à la cession.

Le cessionnaire aura la possibilité d’opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette mais ne  pourra opposer les exceptions personnelles au cédant, et le cédé pourra opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu soulever à l’encontre du cédant.

Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés accordées restent acquises. Dans le cas contraire, les sûretés accordées par des tiers ou par le cédant ne subsisteront qu’avec leur accord. Si le cédant est libéré, ses débiteurs solidaires restent responsables, déduction faite de sa part de la dette.

Il est enfin possible de prévoir dans le contrat de cession que la cession n’aura lieu qu’à une date ultérieure, ou qu’elle aura un effet rétroactif.

Ce nouveau régime de la cession de contrat requiert une certaine vigilance dans la pratique des affaires. Il apparait désormais plus prudent d’établir un contrat de cession tripartite et de porter une attention particulière à l’existence d’un accord écrit du cédé à la cession et aux mentions relatives aux effets de cette cession.

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Michel PONSARD

Avocat Associé

UGGC Avocats


Diane ROUSSEL

Avocat à la Cour

UGGC Avocats