Quelle application dans le temps de la réforme du droit des contrats ?

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Droit des contrats

Pierre MOUSSERON
Agrégé des Universités
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier

Intervenant lors de la conférence EFE « Réforme du droit des contrats : quel impact en droit des sociétés ? » le jeudi 11 mai à Paris.

Quelles applications dans le temps ?

L’Ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats dispose laconiquement que ses dispositions « entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeureront soumis à la loi ancienne ». Derrière cette apparente simplicité se posent de nombreuses difficultés techniques pour les praticiens du Droit des sociétés :

–          Les sociétés dont les statuts auront été signés avant le 1er octobre 2016 demeurent-elles soumises à l’ancien Droit des contrats ?

–          Sera-t-il possible d’utiliser le mécanisme de mise en harmonie des statuts prévus par l’article L. 223-18 C. com. (et étendu par la Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 à l’article L. 225-36 C. com.) pour soumettre tous les associés au même Droit nouveau ?

–          Les promesses unilatérales souscrites avant le 1er octobre 2016 mais exercées après cette date relèvent-elles du Droit ancien ou du Droit nouveau ?

Pour anticiper sur toutes ces questions, des clauses de Droit applicable dans le temps seront pendant longtemps précieuses.

Quelles clauses modifier ?

L’Ordonnance invite à plusieurs modifications des modèles de contrat en cours.

Le rigoureux devoir d’information du nouvel article 1108 que « les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure » ne paraît pas interdire les clauses dites de parfaite information dans les cessions de droits sociaux (Dans ce sens : B. Fages, L’obligation précontractuelle d’information, la dissimulation intentionnelle et les cessions de droits sociaux, BJS septembre 2016, p. 529). Encore faut-il, nous semble-t-il, que cette parfaite information ne soit pas admise trop tôt au moment de la lettre d’intention mais plutôt au moment du contrat de cession.

Par ailleurs, les articles 1224 et s. du Code civil requièrent une modification de la plupart des clauses de résolution. L’article 1225 impose ainsi de préciser les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution.   

Quelles clauses ajouter ?

Certains nouveaux dispositifs proposés par l’ordonnance devront être neutralisés contractuellement. Tel est le cas de l’article 1223 du Code civil aux termes duquel « Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ». On devine en effet les complications juridiques et fiscales que la mise en oeuvre de ce droit de modification unilatérale du prix pourrait entraîner dans les contrats de cession de droits sociaux notamment.

Plus positivement, l’article 1194 du Code civil qui rappelle l’extension du contenu contractuel aux usages invite les rédacteurs de statuts et pactes d’actionnaires à préciser si certains contrats-types ou certaines pratiques en cours depuis un nombre d’années contractuellement convenu pourront être invoquées à titre d’usages. Si elles ne souhaitent pas favoriser pareille extension du contenu contractuel, les mêmes rédacteurs seront bien avisés d’écarter cette invocabilité.

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