Catherine Saint Geniest
Avocat Associé
Jeantet & Associés
Intervenante lors de la matinée EFE « Réforme du droit des contrats et droit immobilier » qui aura lieu à Paris le 28 juin 2016.
- Quels sont les impacts majeurs de la réforme du droit des contrats en matière de vente d’immeuble ?
Les impacts les plus marquants de la réforme sur la vente d’immeuble concernent les avant contrats.
Il faut signaler également de façon plus générale, les modifications à apporter à certaines clauses du contrat de vente d’immeuble pour tenir compte de la réforme.
Une modification de la règle en matière de publicité foncière doit ainsi être relevée.
- En matière d’avant contrats :
- L’article 1124 interdit par principe la rétractation du promettant dans le cadre de la promesse unilatérale de vente. Par conséquent, le promettant qui entend conserver son droit de rétractation avant la levée de l’option du bénéficiaire, devra prévoir une clause conventionnelle spécifique dans la promesse.
- L’article 1123 consacre le pacte de préférence et introduit une action totalement nouvelle, dite interrogatoire. Cette action permet d’interroger le bénéficiaire du pacte quant à l’existence de ce pacte et à son intention de s’en prévaloir en cas de vente. Cette action d’application immédiate peut s’avérer utile pour purger avant l’heure le pacte de préférence et respecter les droits du titulaire de pacte.
- L’article 1112-1 du Code civil consacre une obligation d’information qui est d’ordre public et va obliger le promettant à délivrer toutes les informations déterminantes du consentement, sous peine d’une nullité pour réticence dolosive ou de dommages et intérêts.
- Les conditions suspensives et résolutoires ne sont plus rétroactives par principe.
De façon plus générale, il faut anticiper dans les promesses de vente signées actuellement le fait que la vente pourra être soumise au nouveau régime si elle est conclue après le 30 septembre 2016.
- En matière de rédaction du contrat de vente :
Il faut citer ici les points essentiels de la réforme qui s’appliquent à la vente d’immeuble.
- Dans les contrats d’adhésion, les clauses créant un déséquilibre économique sont réputées non écrites
- L’article 1195 organise la théorie de l’imprévision : si le débiteur n’a pas accepté contractuellement un risque imprévisible qui se révèle après la signature du contrat, il peut renégocier le contrat et à défaut saisir le juge lequel pourra modifier le contrat, voire l’annuler. En matière de vente d’immeubles, ce peut être un moyen pour une partie de se désengager de l’acquisition en invoquant un risque non prévisible. Une crise financière comme celle de 2009 entraînant une dévalorisation du prix convenu pourrait-elle être un risque non prévisible ?
- L’indivisibilité contractuelle : l’article 1186 du code civil prévoit que les contrats qui participent à une même opération juridique sont indivisibles. En matière de vente et de prêt, c’est le cas mais les parties pourront prévoir expressément leur divisibilité, ce qui sera plus sécurisant pour le vendeur.
- En matière de publicité foncière :
- La première des deux parties qui publie est primera en droit sauf si elle est de mauvaise foi (art. 1198 al.2). C’est ici une manière d’interdire les promesses parallèles déjà réputées nulles par l’article 1124 du Code civil, et qui sont ici dénuées d’effets par cette nouvelle règle de la publicité foncière.
- Quels nouveaux réflexes adopter d’ores et déjà en matière de baux commerciaux ?
La réforme du droit des obligations ne comporte pas de dispositions spécifiques aux baux. Il ne s’agit donc ici que de donner quelques pistes de réflexion.
- Si le bail commercial comporte des conditions générales non négociées et imposées par l’une des parties, il pourrait devenir un contrat d’adhésion ; il convient donc de se méfier des clauses qui pourraient créer un déséquilibre significatif puisqu’elles pourraient être réputées non écrites (art. 1171 du Code civil).
- Le code civil pose le principe de la cessibilité des contrats à l’article 1216 du Code civil. Cela signifie que sauf disposition contraire, le bail commercial est par essence cessible ce qui est le cas aujourd’hui. Néanmoins, une clause contraire est toujours possible. L’intérêt de la réforme est d’avoir maintenant un cadre juridique pour la cession de contrat et des principes posés clairement par les textes.
Ainsi, quoique le bail soit cessible par principe, il faut veiller à recueillir l’accord du bailleur dès lors que l’on souhaite décharger le locataire initial de ses obligations tirées du bail ; à défaut, le locataire initial reste tenu solidairement avec le cessionnaire, des obligations du bail (art. 1216-1 du Code civil)
- L’imprévision précitée peut créer une nouvelle insécurité dans l’exécution du bail. Il serait opportun de déroger à l’article 1195 du code civil aux termes du bail pour éviter l’intervention du juge.
- L’article 1222 du code civil instaure une nouvelle arme pour le bailleur. Ainsi, le créancier de l’obligation peut faire exécuter ladite obligation et faire condamner le débiteur (le locataire en l’espèce) à lui rembourser les sommes engagées pour pallier sa carence. Ainsi, par exemple, un locataire qui n’exécute pas les travaux mis à sa charge pourrait voir son bailleur les exécuter puis lui en demander le remboursement, tout ceci sans l’autorisation préalable du juge.
- Dans le cadre de la promesse de bail (BEFA), l’article 1124 précité s’appliquera et le promettant ne pourra se rétracter de son engagement.
Ainsi, tant la vente d’immeuble que le bail sont réellement impactés par la réforme du droit des obligations et les rédacteurs de ces actes doivent se préparer à tenir compte de ces nouveaux textes à partir du 1er octobre prochain.
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