Quel nouveau cadre pour les conventions réglementées depuis l’ordonnance du 31 juillet dernier ?

Photo O de PrécigoutOlivier de Precigout
Avocat Associé
FIDAL
Intervenant lors de la conférence « Conventions intra-groupe » qui aura lieu les 25 et 26 novembre 2015 à Paris.
L’ordonnance du 31 juillet 2014 sur le droit des sociétés a réduit le champ d’application du régime des conventions réglementées applicable aux sociétés anonymes (« SA ») et, par extension, aux formes sociales dont la réglementation renvoie à celle des SA, en en dispensant les conventions conclues entre deux sociétés dont l’une détient, directement ou indirectement, la totalité des actions de l’autre, déduction faite du nombre d’actions nécessaires pour avoir le nombre d’actionnaires imposé par la loi. Lors de sa réunion du 3 décembre 2014, le comité juridique de l’Association Nationale des Sociétés par Actions (« ANSA ») a précisé que cette dérogation pouvait s’appliquer aux conventions conclues avec une filiale étrangère détenue à 100% ou dans laquelle des tiers détiennent des titres en application de règles relatives au nombre minimum d’associés.

A l’inverse, l’ordonnance a renforcé certains aspects du régime de contrôle applicable aux SA.

Ainsi, l’autorisation préalable du conseil d’administration et de surveillance doit désormais être motivée, en justifiant de « l’intérêt de la convention pour la société », notamment « en précisant les conditions financières qui y sont attachées ».

Afin de permettre la bonne exécution de cette obligation et d’assurer l’information des actionnaires, un décret du 18 mai 2015 (entré en vigueur le 1er juin 2015) a complété ou modifié les articles R. 225-30, R.225-31, R. 225-57 et R.225-58 du code de commerce.

Lorsqu’il avise les commissaires aux comptes des conventions et engagements autorisés dans le mois de leur conclusion, le président d’un conseil d’administration ou de surveillance doit désormais également communiquer à ces derniers, « pour chaque convention et engagement autorisés, les motifs justifiant de leur intérêt pour la société, retenus par le conseil [d’administration ou de surveillance]… ».

Les commissaires aux comptes doivent inclure ces motifs dans leur rapport spécial. Dans un communiqué de juin 2015, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (« CNCC ») a précisé que la motivation communiquée au commissaire aux comptes devait être reprise à l’identique dans son rapport, et que le défaut éventuel de motivation d’une autorisation par le conseil était une irrégularité devant être mentionnée dans le rapport, la CNCC proposant dans ce dernier cas un modèle de rédaction.

Le conseil d’administration ou de surveillance doit également examiner à nouveau les conventions autorisées et conclues lors d’exercices antérieurs et dont l’exécution s’est poursuivie au cours de l’exercice écoulé. Les articles R.225-31 et R.225-58 complétés par le décret du 18 mai 2015 imposent que ces conventions et engagements soit énumérés dans le rapport spécial du commissaire aux comptes et que celui-ci contienne « le cas échéant, toutes indications permettant aux actionnaires d’apprécier l’intérêt qui s’attache au maintien des conventions et engagements énumérés pour la société, l’importance des fournitures livrées ou des prestations de service fournies et le montant des sommes versées ou reçues au cours de l’exercice, en exécution de ces conventions et engagements. »

Enfin, le rapport du conseil d’administration ou de surveillance à l’assemblée générale doit désormais mentionner les conventions intervenues, directement ou indirectement, entre un dirigeant, un mandataire social ou un actionnaire disposant de plus de 10% des droits de vote d’une société anonyme ou en commandite par actions, et une autre société dont la précédente posséderait, directement ou indirectement, plus de 50% du capital, sauf lorsqu’elles portent sur des opérations courantes et sont conclues à des conditions normales. Lors de sa réunion du 3 décembre 2014, le comité juridique de l’ANSA a estimé que cette obligation se limitait aux conventions conclues lors de l’exercice.

Projet de réforme du droit des contrats : quelles conséquences pour les conventions intragroupe ?

Le « Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations » n’a bien entendu pas pour objectif de modifier le régime des conventions intragroupe.

Il n’en reste pas moins qu’une convention intragroupe est d’abord une convention, c’est-à-dire un contrat, et qu’à ce titre, elle est soumise au droit des contrats, et notamment aux dispositions qui régissent leur validité et leur exécution.

Ainsi, à titre d’exemple, la Cour de cassation a pu estimer qu’une convention ayant pour effet de déléguer l’exercice des fonctions de direction d’un dirigeant à une autre société dirigée ou contrôlée par le dirigeant de la première était nulle pour défaut de cause.

Il faut donc d’abord appréhender une convention au regard du droit des contrats avant, par exemple, de la soumettre à la procédure des conventions réglementées ou de s’assurer que les conditions spécifiques imposées à tel ou tel type de contrat sont remplies.

Ce qui est vrai aujourd’hui le sera demain, et c’est donc à ce niveau que la réforme du droit des contrat envisagée aura des conséquences sur le traitement des conventions intragroupe.

Il est trop tôt pour savoir avec précision quel sera exactement le « nouveau » droit des contrats et quelles interprétations en donneront les tribunaux mais, même si la portée réelle de ce nouveau régime fait l’objet de débats entre les auteurs, certaines dispositions de l’avant projet laissent à penser que les praticiens devront revoir ou au moins adapter leur approche des conventions intragroupe lorsqu’ils soumettront une convention au filtre du droit des contrats.

Citons, à titre d’exemples :

– l’institution d’un devoir d’information précontractuel et les conséquences du manquement à ce devoir ;

– la disparition de l’ « objet certain » et de la « cause licite » et l’apparition du « contenu licite et certain » du contrat ;

– la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; ou encore

– la faculté de renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat.

L’avant projet d’ordonnance publié en février dernier a été soumis aux administrations concernées et a fait l’objet d’une large consultation qui s’est achevée en juillet dernier. Le projet d’ordonnance est actuellement examiné par le Conseil d’Etat, et il faudra attendre la fin de l’année 2015 ou le début de l’année prochaine pour que l’ordonnance soit présentée en Conseil des ministres et publiée, le projet de loi de ratification devant être déposé au premier semestre 2016.

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