Mise en oeuvre de la loi « Pinel » : vers un nouvel équilibre contractuel en matière de charges ?

Charels-Edouard BraultCharles-Edouard BRAULT
Avocat associé
BRAULT & ASSOCIES
Intervenant lors du 23ème RDV annuel des baux commerciaux les 3 et 4 février 2015 à Paris

Le décret du 3 novembre 2014 finalise la réforme du statut des baux commerciaux et met en cohérence certains articles du Code de commerce avec les nouvelles dispositions législatives découlant de la loi dite « PINEL ».

Parmi les nouvelles dispositions réglementaires, celles relatives aux charges et impôts suscitent de légitimes interrogations alors que le décret publié le 5 novembre 2014 déclare avoir pour objet « l’amélioration des relations entre bailleur et locataire d’un bail commercial ».

Indépendamment des nouvelles règles relatives à l’information du locataire qui prévoient un état récapitulatif annuel des charges et un état prévisionnel des travaux, c’est essentiellement le nouvel article R 145-35 qui entraine un certain bouleversement dans les relations contractuelles bailleur/preneur.

Désormais, certaines charges, impôts et taxes ne sont plus imputables au preneur, ce qui met fin inéluctablement à la pratique du bail « triple net » de certains bailleurs institutionnels.

Ces nouvelles dispositions sont le fruit de négociations entre les représentants des bailleurs et des preneurs ce qui a manifestement induit un certain retard dans la mise au point et la publication du décret.

Alors que la loi du 18 juin 2014 avait été adoptée dans le cadre d’une procédure d’urgence et que les rédacteurs devaient présumer que le décret serait également publié rapidement afin que les dispositions s’appliquent de plein droit à compter du 1er septembre 2014, le décret tardif a conduit à repousser l’entrée en vigueur au jour de la publication de ses dispositions.

C’est donc à compter du 5 novembre 2014 que toutes clauses contraires aux nouvelles dispositions d’ordre public seront réputées non écrites.

Désormais, les grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil, y compris les honoraires liés à ces réparations, ne seront plus imputables au locataire.

Alors que la Cour de cassation avait entendu privilégier une nouvelle définition des grosses réparations, la distinction est donc conservée entre celles qui relèvent de l’article 605 et celles de l’article 606 du Code civil.

Si les travaux liés à la vétusté et à la conformité des lieux loués ou de l’immeuble restent imputables au preneur, tel ne sera plus le cas s’ils relèvent des grosses réparations visées par l’article 606 du Code civil.

S’agissant des impôts, taxes et redevances, le décret finalement adopté précise que la taxe foncière et les taxes additionnelles y afférentes peuvent toujours être refacturées au locataire, tandis que la contribution économique territoriale n’est pas répercutable.

Les honoraires de gestion induisaient un surcoût pour les locataires alors que certains bailleurs institutionnels confiaient cette gestion à une société filiale dont le coût était pris en charge par leurs locataires…

Désormais, le nouvel article prévoit que les honoraires liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble ne peuvent plus être imputables au locataire mais compte tenu de la rédaction de ces nouvelles dispositions qui vise simplement les honoraires liés à la gestion des loyers, on doit supposer que les honoraires de gestion immobilière pourraient toujours faire l’objet d’une refacturation.

Enfin, pour les locaux dépendant d’un ensemble immobilier, le bailleur ne pourra plus répercuter les charges, impôts, taxes et redevances ainsi que le coût des travaux relatifs aux locaux vacants, ce qui devrait mettre fin à certaines pratiques et notamment à celle d’une clée de répartition des charges sur les loyers effectivement payés au sein de l’ensemble immobilier.

Mais c’est sur la question des travaux d’embellissement que les dernières dispositions insérées dans le décret laissent quelque peu perplexe…

Dans la phase terminale des négociations, les bailleurs ont obtenu que les travaux d’embellissement ne sont pas compris dans la catégorie de ceux relevant de l’article 606 du Code civil, et peuvent être imputables au locataire lorsque leur montant excéderait le coût du remplacement à l’identique !

La portée de ces dispositions devra naturellement être affinée par les tribunaux…

Doit-on en déduire que le coût des travaux de rénovation globale incluant des gros travaux visés par l’article 606 du Code civil pourra être mis à la charge du locataire ?

Quel serait l’intérêt d’un bailleur d’engager des travaux de remplacement à l’identique alors qu’il lui suffirait de prévoir de plus amples travaux, dits d’embellissement, pour en répercuter le coût sur le locataire ?

Il sera alors tout à fait possible pour un bailleur de prétexter d’importants travaux de rénovation ou de réhabilitation pour faire supporter tout ou partie du coût de ces travaux qui relèveraient probablement de la vétusté de la chose louée ou de l’immeuble dont elle découle…

L’objectif poursuivi est donc louable et entraine un certain rééquilibrage dans les relations contractuelles bailleur/preneur, même si certains bailleurs institutionnels ont d’ores et déjà trouvé des parades pour contrecarrer certains postes de charges qui ne serait plus répercutables sur les locataires…

Certaines précisions devront nécessairement être apportées par les tribunaux tandis que la transposition de ces nouvelles dispositions devrait, sur le principe, intervenir dans les avenants de renouvellement pour tous les baux renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

Mais rien n’impose aux parties de régulariser un avenant de renouvellement…

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