Une nouvelle passerelle entre l’amiable et le judiciaire : la Sauvegarde Accélérée

Patricia Le marchandPatricia Le Marchand
Avocat Associé
PLM AVOCATS
Intervenant lors de la conférence EFE 20e Panorama d’actualité du droit des entreprises en difficulté qui aura lieu les 15 et 16 octobre 2014 à Paris.

L’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, entrée en vigueur le 1er juillet 2014, a rééquilibré les forces entre le débiteur et ses créanciers et amélioré le dispositif existant en créant de nouveaux outils.

De nouvelles passerelles ont été créées entre le traitement amiable et le traitement judiciaire des difficultés : outre l’innovant « pre-packed » plan de cession, a été instaurée la nouvelle Procédure de Sauvegarde Accélérée (appelée « PSA » ). Celle-ci s’inspire très largement de la Sauvegarde Financière Accélérée (la « SFA ») qui en devient désormais une variante avec quelques retouches.

La Procédure de Sauvegarde Accélérée répond clairement aux objectifs fixés par le législateur, à savoir « créer une procédure de sauvegarde, incluant les créanciers non financiers, ouverte en cas d’échec d’une procédure de conciliation ».

1. Un élargissement de la SFA qui a démontré son efficacité

La SFA est née d’une solution prétorienne qui a vu le jour dans les dossiers emblématiques Autodistribution et Thomson. Elle a été consacrée par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010.

Elle a pour but d’imposer à des créanciers financiers récalcitrants un plan d’apurement du passif, négocié en amont dans le cadre d’une conciliation et adopté par la majorité des 2/3 des membres du comité des établissements de crédit, et s’il y a lieu, de l’assemblée unique des obligataires.

Cette procédure dite « semi-collective » vise exclusivement les dettes financières et s’adresse donc essentiellement aux sociétés holdings confrontées au poids de ses dettes d’acquisition (dette bancaire senior, dettes obligataires) et à la problématique des Lbo. Mais les conditions d’éligibilité, en termes de seuils, ne permettaient pas à ces sociétés de mettre en œuvre la SFA. Il aura fallu attendre l’assouplissement des seuils avec le décret du 20 septembre 2012 pour voir ouvrir la 1ère SFA, le 27 février 2013, par le Tribunal de commerce de Nanterre.

Depuis lors, ce sont moins de dix plans de SFA qui ont été arrêtés par les juridictions dont le tout dernier, le 11 septembre 2014, par le Tribunal de commerce de Paris sous l’empire des nouveaux textes. Ces chiffres sont certes dérisoires au regard du nombre total de défaillances d’entreprises et de procédures classiques de sauvegarde.

Mais la SFA n’en demeure pas moins un outil efficace salué par les praticiens. Elle constitue en effet une arme dissuasive et contribue de ce fait au succès des procédures amiables. Le seul fait de brandir la SFA suffit parfois à rallier à l’accord les quelques créanciers contestataires, ces derniers ne souhaitant pas assumer publiquement l’échec de la conciliation.

Cet outil est encore plus précieux face à l’ampleur de la crise actuelle. Chaque protagoniste défend plus que jamais ses propres intérêts, adoptant parfois des positions de principe, voire dogmatiques, ce qui rend difficile la recherche d’un consensus. Il ne suffit plus aujourd’hui de négocier un rééchelonnement des dettes. Le sauvetage de l’entreprise doit passer par des efforts significatifs de la part des créanciers (abandon / conversion de créances en capital) et l’unanimité qui conditionne la conclusion d’un accord de conciliation fait souvent défaut.

La SFA méritait donc d’être élargie à tous les créanciers, pas seulement financiers, pour permettre également aux sociétés opérationnelles d’y avoir recours pour apurer leurs dettes d’exploitation.

La procédure de Sauvegarde Accélérée s’applique à tous les créanciers (à la seule exception des salariés et des créanciers publics). Ayant quasiment tous les attraits de la sauvegarde classique, elle est, à n’en plus douter, une procédure « collective ».

Elle se voit consacrer un chapitre entier sous le Titre II « de la Sauvegarde » du Livre VI du Code de commerce. La SFA, désormais régie par deux seuls articles, devient l’exception avec des effets qui restent limités aux créanciers financiers et avec une durée encore plus courte.

2. Les principales caractéristiques de la Sauvegarde Accélérée

Les critères d’ouverture sont similaires à ceux de l’ancienne SFA, avec cependant davantage de souplesse : (i) une procédure de conciliation préalable ayant permis d’emporter l’adhésion d’une large majorité des créanciers sur un projet de plan visant la pérennité de l’entreprise, (ii) une certaine taille d’entreprise (attention, si la société n’atteint pas les seuils pour la constitution des comités, la dérogation doit être demandée auprès du Tribunal à l’audience d’ouverture).

La condition relative à l’absence d’état de cessation des paiements a été supprimée. L’état de cessation des paiements, s’il y a, ne doit toutefois pas précéder de plus de 45 jours la demande d’ouverture de la conciliation. Cet assouplissement était souhaitable car il arrivait que le créancier récalcitrant prononce l’exigibilité de sa créance ou refuse de consentir le waiver (alors que la documentation bancaire peut requérir l’unanimité) dans le seul but de faire échec à la SFA. Les tierce-oppositions formées à l’encontre du jugement d’ouverture étaient principalement fondées sur un prétendu état de cessation des paiements.

Comme toute procédure collective, l’ouverture de la Sauvegarde Accélérée fait l’objet de mesures de publicité. Cela n’est pas sans incidence sur l’activité. Il est vivement conseillé de communiquer de façon didactique auprès des salariés, clients et autres partenaires sur la solution trouvée et sur la sortie rapide de la procédure. En effet, les tiers non avertis ne font guère la différence entre sauvegarde accélérée et sauvegarde classique, voire redressement judiciaire (les agences de renseignements financiers elles-mêmes font l’amalgame).

La Sauvegarde Accélérée se caractérise par sa célérité. La durée de la procédure est de trois mois maximum et d’un mois prorogeable une fois pour la SFA. À cet égard, les formalités sont simplifiées : établissement par le débiteur de la liste des créances valant déclarations sauf contestation, possibilité de dispense d’inventaire, possibilité de réduction des délais de convocation pour la SFA. Le projet de plan doit avoir été suffisamment préparé en amont dans le cadre de la conciliation (mesures de redressement envisagées, perspectives d’emploi, plan d’affaires, modalités d’apurement du passif, éventuelle modification du capital et si besoin, reconstitution des capitaux propres). Il est recommandé de conclure, sous l’égide du conciliateur, un « accord de restructuration » avec les principaux créanciers fixant les modalités du plan, les engagements de vote et le calendrier des opérations sous la condition de l’ouverture de la procédure de Sauvegarde Accélérée. Cela permet de lever les incertitudes, d’éviter la présentation d’un plan concurrent par les créanciers et de favoriser une issue positive. La procédure doit être vue comme un mode d’exécution forcée de l’accord amiable à l’encontre des créanciers récalcitrants.

Comme en matière de sauvegarde classique, le plan reste soumis à la décision souveraine du Tribunal, ce qui assure sécurité juridique et efficacité. Le jugement du Tribunal s’impose à tous les membres des comités et de l’assemblée unique des obligataires. Les contestations sont limitées et en tout état de cause tranchées lors de l’arrêté du plan. Le Tribunal examine le caractère sérieux du plan au regard des critères de pérennité de l’activité ainsi que ses garanties d’exécution. Il s’assure que les intérêts des créanciers ont été suffisamment protégés. Si une modification du capital est envisagée, il vérifie que les assemblées des associés et des titulaires des valeurs mobilières ont voté favorablement à l’opération et si besoin, à la reconstitution des capitaux propres.

La Sauvegarde Accélérée s’inscrit clairement dans l’approche anticipée et négociée du traitement des difficultés.

Ce nouvel outil présente un intérêt certain. Mais il s’ajoute à un arsenal procédural déjà complexe qui compte désormais deux procédures amiables confidentielles et cinq procédures collectives publiques dont trois sauvegardes. La ligne de partage entre ces procédures qui était l’état de cessation des paiements est de plus en plus floue au fil des réformes. Cela créé un manque de lisibilité pour le dirigeant et à cet égard, il n’est pas certain que l’ordonnance de 2014 ait rempli l’objectif de simplification de la vie des entreprises fixé par le Législateur.

C’est au cas par cas, en fonction de la typologie des difficultés, du degré de gravité et de la nature des mesures de restructuration envisagées, que le chef d’entreprise, assisté de ses conseils, doit choisir la procédure idoine. Les passerelles qui existent pour passer d’une procédure vers une autre, doivent avoir été réfléchies et préparées en amont. Toute erreur d’aiguillage peut faire dérailler l’entreprise et lui être fatale.

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