Actualité des Management packages : où en est-on ?

Baux commerciaux

Jusqu’à récemment, l’enjeu des management packages résidait essentiellement dans la qualification fiscale du gain en découlant, l’imposition pouvant varier sensiblement selon que le gain était qualifié de plus-value (bénéficiant ainsi du régime du PEA, ou à défaut, imposé à la « flat tax » de 30 %) ou de salaire (imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu).

Premier à avoir été véritablement confronté à la complexité de cette qualification, le juge fiscal a progressivement consolidé une grille de lecture fondée sur l’analyse du risque capitalistique : s’il existe réellement, la requalification de la plus-value n’est pas possible ; à l’inverse, en son absence, la voie de la requalification en salaire est ouverte lorsque, notamment, un lien salarial ressort de l’investissement réalisé.

Resté très discret jusqu’à peu, l’enjeu social (i.e. l’assujettissement du gain aux charges salariales et patronales) a pour sa part fait une apparition remarquée. Dans deux arrêts rendus en appel, le juge social s’est en effet montré plus réticent à envisager qu’un salarié ou un dirigeant puisse agir sous une casquette autre que celle du travailleur, considérant que la simple possibilité d’investir en raison de la qualité de salarié ou de dirigeant suffirait pour inclure les gains réalisés dans l’assiette des cotisations sociales.

Dans ce contexte d’insécurité juridique du traitement des gains issus des management packages, les nombreuses décisions de jurisprudence rendues au cours de l’année 2018 et du premier semestre 2019, dont un deuxième arrêt du Conseil d’Etat en matière fiscale ainsi qu’une première décision rendue par la Cour de Cassation sur le terrain social, donnent l’opportunité de s’interroger sur l’état actuel de la jurisprudence en matière de management packages.

En matière fiscale, le juge administratif et le Comité de l’abus de droit maintiennent une analyse centrée sur le risque capitalistique pris par le manager.

Resté silencieux depuis sa décision Gaillochet de 2014, le Conseil d’Etat a, dans l’affaire Royal Moto France (CE, 15 févr. 2019, n° 408867), écarté l’application du régime des plus-values mobilières. Dans cette affaire, un dirigeant avait bénéficié, en sortie de LBO, d’une rétrocession de plus-value par l’investisseur financier, en application d’un contrat de partage de plus-value. Le Conseil d’Etat a rejeté l’application du régime des plus-values de cession du fait de l’absence de toute prise de risque capitalistique par le manager, et a rattaché le gain à la catégorie source des revenus, en l’espèce, les traitements et salaires.

Dans une autre affaire où un dirigeant avait réalisé une plus-value d’environ 500.000 € sur la cession de titres acquis par l’exercice d’une option d’achat acquise moyennant une indemnité d’immobilisation de 15.000 € et dont le nombre d’actions à acquérir était fonction de critères financiers et de présence, la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 22 janv. 2019, n° 17VE00212) a rejeté la requalification du gain en salaires au motif qu’il existait bien un risque capitalistique et que le caractère disproportionné du gain au regard de l’investissement initial n’était en tout état de cause pas de nature à démontrer l’absence d’un aléa. Si la future décision du Conseil d’Etat devra être analysée avec prudence tant les faits de l’espèce rappellent ceux de l’affaire Gaillochet, on peut néanmoins saluer le refus par la Cour de prendre en compte uniquement la modicité de l’investissement (en valeur absolue ou en valeur relative par rapport au gain réalisé) pour apprécier la nature du risque pris par le manager.

Les nombreuses décisions rendues par les Cours administratives d’appel dans les affaires Wendel-Solfur (CAA Paris, 12 avr. 2018, n°16PA00861 et s.) et Editis (CAA Paris, 27 juin 2019, n° 16PA02888 et s.) auront également apporté leur lot d’avancées en matière de jurisprudence des managements packages. De ces affaires aux structurations sophistiquées, on retiendra pour l’essentiel que les juges de fond rejettent la possibilité pour l’administration fiscale de requalifier seulement partiellement un gain de management package, la requalification devant être soit totale en l’absence de risque, soit nulle dès lors que l’existence d’un risque capitalistique peut être prouvée. Ces affaires laissent néanmoins encore ouvertes un certain nombre de questions, dont la question de l’appréciation du risque (notamment, le caractère non risqué d’un investissement peut-il se déduire d’une minoration du prix d’acquisition des actions ?).

A noter que ces affaires ont aussi eu l’intérêt de juger de manière inédite que la requalification en salaires de gains perçus par une société translucide n’était possible que sur le terrain de l’abus de droit, faute pour la société de pouvoir être imposée dans la catégorie des traitements et salaires.

Enfin, le Comité de l’abus de droit (avis n° 2018-16 et 2018-17 du 15 nov. 2018) aura également contribué à cette stabilisation, en considérant, fidèlement à ses précédents avis, que l’administration fiscale ne peut conclure à une absence de risque capitalistique à partir d’une simple minoration du prix d’acquisition payé par le manager. On retiendra également de ces affaires, sans pouvoir en tirer de conclusion, que le Comité n’a pas jugé utile de répondre au moyen de l’administration fiscale tiré de ce que la non-conversion d’obligations convertibles par l’investisseur majoritaire constituerait un avantage consenti aux managers.

Sur le terrain social, la première décision rendue par la Cour de cassation en matière de management packages souffle malheureusement le chaud et le froid (Cass. 2ème civ., 4 avril 2019, n°17-24.470, Barrière), alors même que la Haute juridiction annule la décision d’appel qui avait validé l’application de charges sociales sur des gains de cession de BSA.

De manière favorable, la Cour de cassation ne semble admettre la possibilité de requalifier un gain de management package qu’à la condition que le manager ait bénéficié, sur son investissement, de « conditions préférentielles d’acquisition ». Alors que l’arrêt d’appel ne faisait aucune référence à cette notion de « conditions préférentielles d’acquisition », l’introduction de cette mention par la Cour de cassation pourrait constituer un indice de la volonté du juge social d’aligner sa jurisprudence sur celle du juge fiscal : l’avantage ne résiderait pas dans le seul lien salarial mais bien dans l’octroi de conditions préférentielles d’acquisition.

S’agissant de la caractérisation de cet avantage néanmoins, l’arrêt de la Cour ne donne pas de grille d’analyse et laisse pantois dans son application dans la mesure où, au cas particulier, la Cour semble valider sur le fond la décision d’appel qui avait considéré que la simple possibilité d’acquérir et d’exercer les BSA par les managers du groupe qui les employait constituait en soi un avantage.

S’agissant du quantum de l’avantage, la Cour semble estimer que celui-ci doit être apprécié sur la base de la valeur des BSA à la date de leur « libre disposition » par les managers et non en fonction de la plus-value réalisée, précision dont la portée doit néanmoins être relativisée dans la mesure où, en pratique, la date de « libre disposition » coïncide le plus souvent avec la sortie du LBO.

L’affaire est renvoyée à la Cour d’appel pour être à nouveau jugée sur le fond. Gageons que les juges d’appel apporteront un éclairage sur ces zones d’ombres encore nombreuses en matière sociale.

Entre stabilisation fiscale et turbulence sociale, l’insécurité juridique du traitement des gains issus de management packages est malheureusement loin d’être réglée.

Pour en savoir plus : RENDEZ-VOUS LE 12 décembre 2019 à Paris :
Panorama d’actualité des LBO

Tristan Audouard

Avocat Associé JEAUSSERAND AUDOUARD


Carole Furst
Fiscaliste JEAUSSERAND AUDOUARD