LOI SAPIN II : QUELLE PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE ?

Fiducie

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Agnès CLOAREC MEREDON
Avocat Associé chez LATHAM & WATKINS
Intervenant de notre conférence Sapin II

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Carine COHEN
Avocat
LATHAM & WATKINS

LA LOI SAPIN II : QUELLE PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE ?

La loi Sapin II relative à « la transparence, à la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique» vise, entre autres dispositions, à instituer une protection juridique spécifique pour le lanceur d’alerte actuellement défini comme la « personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

La définition donnée par le texte actuel se veut assez générale pour englober les différents types de situation pouvant exister. Toutefois, un certain nombre de termes employés pourraient s’avérer problématiques et sujets à contestation notamment lorsque sera réclamée la protection attachée au statut de lanceur d’alerte.

Ainsi les notions « désintéressée » et « de bonne foi » « de préjudice pour l’intérêt général » sont pour le moins complexes et floues.

Enfin, le fait que le lanceur d’alerte doit avoir eu « personnellement connaissance » des faits ne manquera pas également de faire l’objet de contestation visant à remettre en cause ce statut et la protection y afférente.

En pratique, les conditions ainsi posées complexifient la situation alors même que la question essentielle reste de déterminer si les allégations du lanceur d’alerte sont, ou non, fondées et qu’il ne dénonce pas des faits dans un but d’autopromotion ou de calomnie.

Outre une définition complexe du statut du lanceur d’alerte, le texte de loi prévoit une procédure de signalement avec différents canaux avant que l’alerte ne soit rendue publique.

  • Tout d’abord, le signalement de l’alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référant désigné par celui-ci.
  • Puis, en l’absence de diligence de la personne destinataire de l’alerte visant à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.
  • Si aucune de ces deux étapes préalables n’a porté ses fruits, dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.

La Presse ne devrait donc être utilisée qu’en dernier ressort.

La loi prévoit, néanmoins et par ailleurs, une procédure spécifique en cas de « danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles » : le signalement pourra alors être transmis directement à l’autorité judiciaire ou administrative ainsi qu’aux ordres professionnels. Il pourra en outre et surtout être rendu public.

Le texte ne comporte cependant aucune indication quant à la notion de « danger grave et imminent », ce qui laisse, une nouvelle fois, place à l’interprétation et à la contestation sur un point particulièrement sensible pour les entreprises.

Enfin, une fois la procédure de signalement respectée et le statut de lanceur d’alerte obtenu, une protection est prévue par le texte.

Le projet de loi instaure en effet une protection contre les mesures de représailles dans le milieu professionnel pour le lanceur d’alerte : pour le salarié, la loi formalise classiquement une interdiction d’écarter ce dernier de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, mais également une interdiction de procéder à tout licenciement, sanction, mesure discriminatoire directe ou indirecte (par exemple en matière de rémunération ou d’évolution), ou de toute autre mesure défavorable décidée à son encontre, au seul motif de ce signalement.

S’agissant d’un fonctionnaire, la loi étend la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte, qui était déjà prévue pour les fonctionnaires relatant un crime ou un délit. En effet, la loi prévoit désormais qu’« aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des dispositions de la loi ».

Il est évident que face à des formulations aussi floues et sujettes à interprétation de ce projet de loi, la Cour de cassation va être appelée à jouer un rôle essentiel. En l’état, le statut de lanceur d’alerte est donc loin d’être sécurisé.

Par ailleurs et compte tenu des obligations mises à la charge des entreprises (notamment garantir la confidentialité et établir un code de conduite), et des risques qu’un dispositif d’alerte peut représenter (atteinte au secret professionnel ou d’affaires,  voir révéler des informations confidentielles ou d’entreprise, atteinte à l’image de l’entreprise en raison de dénonciation erronée voire calomnieuse, etc.), il convient de s’interroger sur les mesures  qui devront être prises par les entreprises en amont lors de la mise en place du dispositif d’alerte.

 

Pour aller plus loin, retrouvez Agnès CLOAREC MEREDON et tous nos intervenants lors de la conférence Sapin II le jeudi 1er décembre !

 

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