De l’insaisissabilité de la résidence principale du débiteur

photo pm le correPierre-Michel Le Corre
Professeur Agrégé
Université Nice Sophia Antipolis
Intervenant lors du « 21e Panorama d’actualité du droit des entreprises en difficulté » les 14 et 15 octobre 2015 à Paris.

S’il ne fallait retenir qu’une mesure spectaculaire issue de la loi Macron intéressant le droit des entreprises en difficulté, il s’agirait sans conteste, d’une règle qui ne figure pas dans le livre VI, mais le livre V du code de commerce : celle qui institue l’insaisissabilité de la résidence principale.

On sait que le législateur, par une loi du 1er août 2003, avait permis de rendre insaisissables les immeubles non professionnels d’un débiteur personne physique. Ce mécanisme repose sur une double publicité, au registre professionnel du débiteur, d’une part, et à la conservation des hypothèques, d’autre part. La déclaration est opposable aux créanciers professionnels postérieurs à la seconde des publicités et leur interdit de saisir l’immeuble du débiteur. La déclaration notariée est en revanche inopposable aux autres créanciers, ce qui les autorise à saisir l’immeuble. Dès lors que, d’une part, la publicité a été effectuée avant le jugement d’ouverture et, que, d’autre part, existent des créanciers ayant le droit de saisir l’immeuble et d’autres n’ayant pas ce droit, la déclaration notariée d’insaisissabilité est opposable au liquidateur, ce qui lui interdit de vendre l’immeuble du débiteur, lequel ne fait pas partie du gage commun des créanciers et échappe, en conséquence, à l’effet réel – effet de saisie collective – de la procédure collective.

La loi Macron du 6 août 2015, dans le même esprit de protection du débiteur personne physique professionnel indépendant contre les conséquences du principe de l’unité du patrimoine, lequel conduit à la saisie de tous les biens, professionnels ou non, en cas de liquidation judiciaire, a créé l’insaisissabilité légale de la résidence principale. Cette mesure a pour objet de rendre automatique l’insaisissabilité de la résidence qui assure le logement du débiteur, sans qu’il soit besoin d’une quelconque déclaration, dès lors que le débiteur personne physique est immatriculé à un registre professionnel – cas des commerçants et des artisans – ou exerce une activité agricole ou indépendante.

L’insaisissabilité n’est pas absolue, comme cela était déjà le cas de l’insaisissabilité résultant de la déclaration notariée. Elle n’est posée qu’à l’encontre des créanciers professionnels postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi Macron. A contrario, l’immeuble assurant le logement du débiteur reste saisissable de la part des créanciers non professionnels, quelque soit la date de naissance de leur créance, ainsi que de la part des créanciers professionnels dont la créance est née avant l’entrée en vigueur de la loi Macron.

La problématique qui existe pour la déclaration notariée d’insaisissabilité existe identiquement ici. Dès lors qu’existent des créanciers ayant le droit de saisir l’immeuble et d’autres n’ayant pas ce droit, l’insaisissabilité légale de la résidence principale est opposable au liquidateur, ce qui lui interdit de vendre l’immeuble du débiteur, lequel ne fait pas partie du gage commun des créanciers et échappe, en conséquence, à l’effet réel – effet de saisie collective – de la procédure collective. Au contraire, les créanciers ayant conservé le droit de saisir l’immeuble pourront exercer leur droit y compris pendant la procédure collective puisque le bien échappe au dessaisissement.

Ajoutons qu’il est possible de combiner l’insaisissabilité légale de la résidence principale avec une déclaration notariée d’insaisissabilité, qui portera alors sur les biens immobiliers, bâtis ou non, qui n’assurent pas la résidence principale, tout en n’étant pas les immeubles affectés à l’activité professionnelle du débiteur personne physique.

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