Les clauses usuelles ont-elles un régime juridique particulier ?

Pierre MousseronPierre Mousseron
Agrégé des Universités
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier
Intervenant lors de la Conférence annuelle d’actualité du Droit des contrats qui aura lieu le 2 avril 2015 à Paris

Les clauses usuelles ont-elles un régime juridique particulier ?

Le législateur confère une certaine particularité aux clauses usuelles. L’article 1160 du code civil énonce ainsi qu’«on doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage quoiqu’elles n’y soient pas exprimées ». Les tribunaux invoquent rarement ce texte. Ils n’hésitent pas toutefois à attacher plusieurs conséquences au caractère usuel d’une clause.

– Tel est le cas en matière de responsabilité professionnelle d’un rédacteur d’acte. Le fait qu’une clause usuelle favorable ait été omise ou qu’une clause exceptionnellement pratiquée défavorable ait été admise pourra justifier un reproche à l’égard d’un rédacteur d’acte au titre de son obligation de conseil. À propos d’une garantie de passif, la cour d’appel de Paris a jugé que « le manquement de l’avocat à son obligation de conseil ne saurait résulter que de l’acceptation de clauses anormales par des cédants démontrant que mieux informés, ils étaient en mesure de les refuser » (CA Paris 17 avril 2013, n°12/00634).

– Tel est aussi le cas au regard du formalisme sociétaire des conventions dites réglementées. En application des articles L. 225-38 et s. du code de commerce, ces clauses sont soumises à un formalisme qui peut notamment prendre la forme d’une autorisation préalable. La loi fait échapper à ce formalisme les conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales (article L. 225-39 notamment). Dans l’appréciation de ce caractère normal, la jurisprudence renvoie aux usages (CA Paris 18 octobre 2012, Pôle 5, chambre 5, SA Clinique de la Dhuis, n°11/13255). Le caractère usuel d’une clause pourra ainsi faciliter la qualification de convention courante conclue à des conditions normales et permettre d’échapper à ce formalisme.

– Tel est enfin le cas, s’agissant du pouvoir judiciaire de révision judiciaire des clauses pénales d’un montant manifestement excessif. Ici aussi, le caractère usuel de la clause permet d’échapper à cette révision. La cour d’appel de Caen a ainsi jugé que le montant d’une clause d’indemnisation « n’apparaît pas manifestement excessif au regard de son taux conforme aux usages et elle ne saurait être réduite » (CA Caen 7 janvier 2014, n°12/03215).
Comment identifier une clause usuelle ?

Le souci vient de ce que le caractère usuel d’une clause est aujourd’hui délicat à identifier. On peut se satisfaire de l’argument d’autorité d’un expert. Cela est un peu maigre.

On peut se montrer plus exigeant et se lancer dans le monde de l’analyse quantitative des clauses. Ces analyses se développent. Des cabinets d’avocats établissent ainsi des relevés statistiques de certaines clauses en matière de contrats sociétaires (CMS European M&A Study 2014) ou en matière arbitrale (2012 International Arbitration Survey: Current and Preferred Practices in the Arbitral Process, Queen Mary, University of London, White & Case, 2012).

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