Application dans le temps de la réforme du droit des contrats : tout se complique !

contrat

Au départ, tout était simple.

L’article 9 de l’Ordonnance du 10 février 2016 réformant le Droit des contrats (l’ « Ordonnance ») énonçait que ses dispositions entreraient en vigueur le 1er octobre 2016 et qu’en conséquence « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ».

 

Les choses se sont progressivement compliquées.

– D’abord, la doctrine a observé que la date de conclusion d’un contrat est souvent délicate à déterminer. Qu’en est-il ainsi de la date de conclusion d’un contrat d’application faisant suite à un contrat-cadre, d’une vente faisant suite à une promesse, d’un contrat prolongé, d’un accord modifié par un avenant, de statuts de sociétés ayant fait l’objet de modifications,… ? Les auteurs ont essayé de colmater ces premières difficultés (Technique contractuelle, J. M. Mousseron, 5ème éd. 2017, Editions Francis Lefebvre, n°173 et s.).

– Les tribunaux n’ont pas manqué d’ajouter leur grain de sel pour justifier l’application immédiate de l’Ordonnance aux contrats en cours et même à ceux conclus avant le 1er octobre 2016. Dans un premier temps, la Cour de cassation a soutenu qu’une loi ou ordonnance nouvelle peut s’appliquer aux « effets légaux » des contrats en cours ou plus exactement « aux effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées » (Voir notamment l’avis n°15002 de la Cour de cassation du 16 février 2015 et Cass. civ. 3ème 17 novembre 2016, n°15-24552).

Dans un second temps, la Cour de cassation n’a pas hésité à appliquer le nouveau Droit à des contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016 en invoquant «l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 » (Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2017, n°16-12906 ; voir également : Cass. soc. 21 septembre 2017, n°16-20103).

– Enfin, les travaux parlementaires qui accompagnent la loi de ratification de l’Ordonnance en cours apportent leur contribution à cette contribution baroque. Dans un premier temps, un amendement a proposé la mise à l’écart de la théorie des effets légaux. Le rejet de cet amendement qui semble se dessiner pourrait paradoxalement redonner de la force à cette théorie. Dans un second temps, afin d’éviter que ne soit maintenu un régime juridique intercalaire pour les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et la date d’entrée en vigueur de la loi de ratification, cette dernière énonce dans sa version actuelle que les nouvelles règles de Droit des contrats résultant de la loi de ratification seront applicables aux actes juridiques postérieurs au 1er octobre 2016. Pour justifier cette curieuse rétroactivité de la loi de ratification, son article 15 actuellement discuté soutient que ses dispositions seraient « interprétatives » ce qui semble douteux…

 

La question du Droit applicable dans le temps est désormais la première question à se poser… avant quelques autres.

Au moment d’invoquer le bénéfice d’un contrat ou d’en contester l’efficacité, il convient désormais de déterminer la version du Droit qui sera la plus favorable à ses intérêts et d’employer à cette fin les théories qui permettront de s’en prévaloir. Au moment de la rédaction d’un contrat, on pourra recommander l’insertion de clauses relatives au Droit applicable dans le temps.

Toutes ces questions seront analysées ainsi que leurs conséquences concrètes sur la négociation et la rédaction de vos contrats lors du « 10ème Panorama annuel du droit des contrats » qui aura lieu le jeudi 15 mars 2018 à Paris.

 

Pierre MOUSSERON
Agrégé des Universités
Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier

Monsieur le Professeur Pierre Mousseron interviendra lors de notre « 10ème Panorama annuel du droit des contrats« , la conférence d’actualité du droit des contrats animée par des spécialistes reconnus, qui aura lieu le jeudi 15 mars à Paris.

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