Le privilège du New Money

Dubois Philippe_BD

Philippe DUBOIS
Avocat associé
DE PARDIEU BROCAS MAFFEI

Intervenant à la conférence Droit des entreprises en difficulté des 12 et 13 octobre 2016

 

L’ordonnance no 2014-326 du 12 mars 2014 est venue apporter des précisions utiles au régime juridique du privilège de conciliation, aussi appelé privilège de « new money », qu’il s’agisse des conditions de l’éligibilité des concours à ce privilège et de son efficacité en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective.

1. Quelles sont les conditions de l’éligibilité des concours au privilège de conciliation ?

Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le domaine du privilège de conciliation était restreint aux crédits consentis « dans l’accord homologué ».
Désormais, pour bénéficier du privilège de conciliation, le crédit correspondant à un « nouvel apport en trésorerie au débiteur » ou à un « nouveau bien ou service » tendant à la poursuite de l’activité et à la pérennité de l’entreprise, peut être consenti dans l’accord homologué lui-même mais également « dans le cadre de la conciliation » qui a préparé cet accord.
Toutefois, les concours consentis « dans le cadre d’une procédure de conciliation » ne bénéficieront du privilège de « new money » qu’à la double condition (i) que la conciliation débouche sur un accord et (ii) que cet accord soit homologué par le Tribunal dont le jugement doit indiquer « les garanties et privilèges constitués pour en assurer l’exécution » et préciser « les montants garantis par le privilège institué par l’article L. 611-11 du Code de commerce ».

2. Quelle est l’efficacité du privilège de « new money » en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective ?

Par définition, les créances garanties par le privilège de conciliation sont des créances non intégralement remboursées et antérieures à la procédure collective ouverte ultérieurement. Cependant, ce ne sont pas des créances antérieures comme les autres puisqu’elles bénéficient d’un privilège dont la loi indique expressément qu’il s’applique, notamment en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

En cas de « plan de cession » (redressement ou liquidation judiciaire) ou de vente d’actifs (« liquidation liquidative »), le créancier titulaire du privilège de conciliation est payé en rang 3, c’est-à-dire après le super-privilège des salaires et des frais de justice.

L’apport de l’ordonnance du 12 mars 2014 est de préciser le traitement des créances garanties par le privilège de conciliation à l’occasion d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement. Le nouvel article L. 626-20 du Code de commerce dispose que les créanciers bénéficiant du privilège de conciliation ne pourront se voir imposer ni remises ni (surtout) délais à l’occasion d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement.

3. Des délais peuvent-ils être imposés aux créanciers bénéficiaires du privilège « new money » ?

Désormais, dans l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou d’un redressement judiciaire sans comités de créanciers, la loi est claire : ni délais ni remises ne peuvent être imposés aux créanciers bénéficiaires du privilège de conciliation. A quoi s’ajoute le fait que, dès lors que « le mandataire judiciaire n’est pas tenu de consulter les créanciers pour lesquels le projet de plan ne modifie pas les modalités de paiement», ils n’auront pas à être circularisés. A l’arrêté du plan, le débiteur devra donc payer au créancier titulaire du privilège de conciliation les dettes échues au jour du jugement d’ouverture auxquelles s’ajoutent les dettes venues à échéance pendant la période d’observation. Pour le surplus, c’est l’échéancier contractuel d’origine qui continuera à s’appliquer indépendamment du plan de sauvegarde ou du plan de redressement. Certes, il n’est pas interdit au créancier bénéficiaire du privilège d’accorder des remises ou délais. L’article R. 626-33-1 du Code de commerce dispose à cet égard que « L’acceptation des délais et remises portant sur les créances mentionnées à l’article L. 626-20 ne peut être qu’expresse ». Dès lors, si dans le cadre d’un projet de plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement sans comités de créanciers, un délai de paiement ou une remise de dette était demandé aux créanciers « new money », ces derniers devront y consentir expressément. Autrement dit, la demande d’octroi de remises de dettes ou de délais de paiement au créancier « new money » ne pourra s’accompagner de la traditionnelle formule « qui ne dit mot consent ».

De la même manière, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire avec comités de créanciers, l’intention du législateur de renforcer l’efficacité du privilège de conciliation et, par la même, l’esprit de l’ordonnance du 12 mars 2014, laissent à penser qu’aucun sacrifice ne pourrait être demandé au créancier titulaire du privilège de conciliation. Ce faisant, les dispositions de l’article L. 626-30-2 du Code de commerce lui permettent d’être membre du comité de créanciers mais, en tant que créancier non impacté par le plan de sauvegarde ou de redressement, ne lui confèrent pas de droit de vote.

 

Pour aller plus loin, retrouvez Philippe DUBOIS à la conférence Droit des entreprises en difficulté des 12 et 13 octobre 2016 prochain.

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