L’efficacité de la fiducie-sûreté, en pratique

Gilles Podeur. Photo ©Benjamin BoccasGilles Podeur
Avocat à la Cour
CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP
Intervenant lors de la matinée du droit EFE consacrée à la « Fiducie sûreté » qui aura lieu le 25 mars 2014 à Paris.

La rédaction Analyse Experts : La fiducie-sûreté a-t-elle déjà fait la preuve de son efficacité en pratique?

Gilles Podeur : À notre connaissance, les fiducies existantes n’ont pas, à ce jour, donné lieu à des contentieux significatifs. Cela est en soi un point positif. Il nous semble qu’à la suite des différentes réformes, les textes applicables assurent pleinement sa robustesse et ne nécessitent donc pas une interprétation jurisprudentielle: tous les sujets essentiels sont expressément traités, que l’on parle de la problématique des contrats en cours, de la participation aux comités de créanciers, ou encore des nullités de la période suspecte.

À notre connaissance, un arrêt intéressant mérite d’être cité: il s’agit d’une décision de la Cour d’Appel de Paris du 4 novembre 2010, qui a rappelé l’évidence, à savoir que des biens mis en fiducie ne peuvent pas être cédés dans le cadre d’un plan de cession.

Par ailleurs, la fiducie-sûreté a été utilisée à de nombreuses reprises dans des restructurations (par exemple en mandat ad hoc ou en conciliation), précisément parce qu’elle permet de rassurer les créanciers qui en sont bénéficiaires, bien plus que la plupart des suretés traditionnelles.

Enfin, la fiducie est d’ores et déjà devenue d’usage courant dans le secteur des jeux en ligne, où elle permet de sécuriser les avoirs des joueurs de manière simple et efficace.

La rédaction Analyse Experts : Si l’on se place maintenant du point de vue des emprunteurs, la fiducie n’est-elle pas devenue une sûreté « trop » efficace? Conserve-t-il une chance de se redresser alors même qu’il a transféré en fiducie la propriété de biens nécessaires à son activité?

Gilles Podeur : C’est une très bonne question. En 2007, la création de la fiducie a en effet suscité des craintes de la part des professionnels du droit des entreprises en difficulté. La fiducie allait-elle sonner le glas des restructurations en procédures amiables ou procédures de sauvegarde?

Ce débat est aujourd’hui dépassé.

D’une part, parce que la loi a été adaptée pour aboutir à un résultat équilibré. L’efficacité de la fiducie a été pleinement préservée, mais des dispositions spécifiques permettent aussi de donner au débiteur une chance de se redresser. Il est notamment prévu que si les biens mis en fiducie sont nécessaires à l’exploitation (plus exactement, si le débiteur en conserve l’usage ou la jouissance), alors l’ouverture de la procédure collective ne pourra pas justifier, en tant que telle, la cession par le fiduciaire des actifs mis en fiducie.

D’autre part, l’existence de la fiducie a au contraire permis de trouver une solution technique évitant l’ouverture d’une procédure collective dans certaines situations de crise, où des bailleurs de fonds étaient prêts à consentir des efforts, mais à la condition de bénéficier d’une sûreté efficace. Plus généralement la possibilité d’offrir aux créanciers des sûretés efficaces facilite toujours l’accès au crédit.

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