Quelles actualités en matière de baux commerciaux ?

Baux commerciaux

Le programme des journées organisées par EFE est impressionnant. En deux journées, les questions les plus délicates du droit des baux commerciaux vont être décryptées pour vous. La matière de ce qu’on a dénommé pendant longtemps un « petit contrat » est si vaste et complexe qu’il est sans aucun doute opportun de se préparer pour pratiquer la méthode de l’éponge qui absorbe d’autant plus qu’elle a été imbibée au préalable. Et cela d’autant plus que les intervenants sont des praticiens et auteurs réputés sous le regard d’un haut magistrat de la Cour de cassation qui a parfois été la plume qui a préparé tel arrêt discuté aujourd’hui, qui, à défaut, a toujours été une participante active au délibéré sur ceux établis par les autres conseillers.

Quatre thèmes :

  • les évolutions du loyer par l’effet d’une clause d’indexation ou par la révision légale,

  • le choix d’un bail dérogatoire et sa transmutation en bail soumis au statut des baux commerciaux,

  • l’impact sur les baux commerciaux de la ratification récente de l’ordonnance du 10 février 2016 par le parlement

  • l’application de la loi dans le temps de la loi n° 2014-626 du 18 juillet 2014.

Sans vouloir, ni pouvoir dévoiler ce que vous allez entendre, quelques réflexions préliminaires s’imposent.

D’abord, s’agissant des décisions qui vont être évoquées, elles n’ont pas toutes la même force normative en ce sens que le lecteur de la décision doit veiller à dissocier l’arrêt de principe et l’arrêt d’espèce qui a parfois un caractère « disciplinaire », l’arrêt de cassation rendu au visa d’un ou de plusieurs textes légaux et/ou réglementaires, et l’arrêt de rejet, ce dernier pouvant être néanmoins un arrêt de principe, spécialement si la Cour prend soin d’y insérer un chapeau intérieur, l’arrêt annonciateur d’un prochain revirement et l’arrêt de revirement.

Il faut aussi se souvenir que la Cour de cassation est plus que réticente à user de l’attendu ultra petita qui pourtant éclairerait bien la lanterne du praticien et qu’elle ne répond qu’aux moyens du pourvoi et souvent pas à tous. Alors si un auteur écrit « la Cour aurait dû, aurait pu saisir l’occasion pour dire ceci ou cela », n’hésitez pas à passer à la lecture d’un autre auteur. Néanmoins, une révolution paisible est engagée au sein de la haute juridiction.

Dans certaines affaires essentielles, la Cour envisage de replacer son raisonnement dans l’ensemble des décisions corrélées, voire de l’inscrire dans le mouvement du droit européen ou même de droits voisins. A dire vrai, dans notre matière, le droit de la CEDH est pris en considération par la Cour, que ce soit sur la demande d’une partie ou sur l’initiative du rapporteur qui va utiliser l’arme de l’article 1015 du code de procédure civile pour inviter les parties à exprimer leurs positions respectives. C’est plus rare avec le droit de l’UE car en l’état, le droit des baux commerciaux est pratiquement évincé de l’ordre juridique de l’UE. Quant à appliquer les enseignements du droit comparé, cela conduirait à constater l’originalité et l’isolement du droit français.

Ensuite, il faut savoir garder la mesure quant à l’action de la Cour de cassation. Elle va faire évoluer le droit positif applicable à la révision triennale du loyer, aux clauses d’indexation seulement si elle y est invitée et cela conduit à des périodes d’attente pour que soit clairement fixé le droit couché de manière très générale ou imprécise dans les textes. Il en est ainsi en matière de loyers binaires. La Cour a rendu en novembre 2016, un arrêt majeur qui, d’un côté, impose aux juges du fond de respecter l’option contractuelle de fixation du loyer minimum garanti, alors que certaines juridictions du fond avaient exprimé de forte réticence à être « instrumentalisées » par les cocontractants et se refusaient à statuer sur une seule des parties du loyer global ; mais le même arrêt posait alors le nouveau principe que le juge doit fixer ce loyer minimum garanti en contemplation de l’existence d’une clause de loyer variable fixé au regard du chiffre d’affaires ou d’une partie de celui-ci.

Concrètement, cela signifie que le juge va retrouver la plénitude son pouvoir et qu’il va fixer le loyer à la valeur locative en incluant le facteur variable et non en le laissant hors du débat. La cour d’appel de Versailles (12e ch.) a, dans un arrêt du 19 septembre 2017, relancé le débat en déclarant que la clause d’attribution de compétence au juge des loyers du tribunal de grande instance est illicite et donc nulle et de nul effet. Le débat est relancé. Il y a une résistance des juges du fond à la solution adoptée par la Cour de cassation. Faudra-t-il réunir l’Assemblée plénière ou attendre à la suite d’une nouvelle cassation une rébellion de la cour de renvoi ?

Enfin, il va être aussi fort intéressant de revisiter le droit régissant le bail dérogatoire depuis la loi du 18 juillet 2014. Ainsi, il faut apprendre à faire le départ entre le bail éphémère, le bail saisonnier, le bail statutaire à exécution saisonnière, le bail dérogatoire, la convention d’occupation précaire. Il faut aussi s’interroger sur la date à laquelle prend fin le bail en cause et à quel moment celui auquel l’autre partie entend imposer l’existence par transmutation d’un bail statutaire voit naître son droit à mettre en cause l’existence de ce dernier. La réforme du droit des contrats est loin d’avoir révéler tous ses effets sur les baux commerciaux. Ce n’est, comme ce fut le cas avec le code civil de 1804, qu’au fil des affaires et de l’imagination juridique des avocats que les nouvelles questions vont naître et seront susceptibles d’être soumises aux juges. Mais déjà, il faudra s’interroger sur l’application des nouveautés selon que le contrat de bail en cause est né avant l’ordonnance de 2016, depuis celle-ci mais avant sa ratification, ou après la date d’entrée en vigueur de la loi de ratification.

Les questions seront aussi celles que les praticiens rencontrent avec la mise en œuvre de la loi de juin 2014. Est-on ante-Pinel ou post Pinel ? Et même en se plaçant dans cette seconde période, les textes à mettre en œuvre n’ont pas tous la même force quant à leur application selon que les juges leur reconnaissent ou non une valeur d’ordre public et que celui-ci est impératif ou supplétif. A titre d’hameçon, il suffit de se demander ce qui se passe si une clause qui était nulle au sens de l’ancien article L. 145-15 C. com., mais qui a bénéficié, en période pré-Pinel du jeu de la prescription biennale de l’article L. 145-60 du même code, est devenue non écrite en période post-Pinel ?

Toutes ces questions seront posées lors du « 26ème Rendez-vous annuel des baux commerciaux » qui aura lieu les 1er et 2 février 2018 à Paris. Et, les réponses seront données avec la certitude que chaque auteur aura de la justesse de sa solution.

Joël Monéger
Professeur émérite de droit privé
Université Paris Dauphine

Monsieur le Professeur Monéger fera partie des grands spécialistes des baux commerciaux qui interviendront lors de notre grand rendez-vous annuel d’actualité des baux commerciaux qui aura lieu les jeudi 1er et vendredi 2 février dans un grand hôtel au cœur de Paris.

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