Pactes d’actionnaires : mesurez les conséquences de la loi Macron

prieur Charles-Emmanuel PRIEUR
Avocat Associé
UGGC AVOCATS
Intervenant lors de la conférence « Pactes d’actionnaires : maîtrisez l’impact des réformes sur vos pratiques de négociations et de rédaction », le 29 janvier 2016 à Paris.
Quels sont les impacts de la loi Macron en matière de pactes d’actionnaires ?

La loi Macron n’avait pas pour objet direct de faciliter la rédaction des pactes d’actionnaires mais elle comprend plusieurs dispositions qui ont une conséquence directe sur la rédaction de certaines clauses des pactes d’actionnaires.

Le premier sujet important est relatif aux outils d’intéressements des managers qui sont classiquement un sujet de pacte d’actionnaires.

Le régime des attributions gratuites d’actions (AGA) est assoupli en ce qu’il réduit la durée minimum de la période d’acquisition (qui passe de 2 à 1 année), il rend la période de conservation facultative (qui était de 2 ans minimum) et qu’il prévoit que la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation devra être désormais de 2 années. Ainsi, outre les améliorations du régime fiscal qui est applicable aux AGA, les clauses du pacte d’actionnaires prévoyant les futures émissions d’AGA en faveur des managers devront être adaptées à ce nouveau schéma.

On imagine que les clauses dites de good et bad leaver seront adaptées pour utiliser la capacité de ne prévoir aucune période de conservation (en augmentant éventuellement la période d’acquisition) et ainsi permettre un meilleur « contrôle » des actions gratuites par l’entreprise émettrice. Ainsi par exemple, jusqu’à maintenant une entreprise qui voulait mettre en place un plan d’intéressement d’une durée de 4 années pour favoriser la pérennité de son management devait intégrer une période de conservation de 2 années minimum, période pendant laquelle le manager ne pouvait céder ses actions reçues gratuitement ce qui pouvait gêner tant une cession de contrôle à 100% de la société émettrice que la mise en œuvre d’une promesse de vente forcée en cas de démission du dirigeant. Désormais, un même plan de 4 années peut être prévu avec une seule période d’acquisition de 4 ans, une perte automatique du droit à recevoir les actions gratuites en cas de démission et un droit anticipé à les recevoir en cas de projet de cession de la société après un délai de 2 années.

Le régime des bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprises (BSPCE) est également assoupli sur deux sujets techniques mais importants. Tout d’abord, s’agissant des bénéficiaires, il pourra s’agir désormais des salariés et dirigeants d’une filiale de la société émettrice des BSPCE à condition que cette dernière détienne au moins 75% du capital social de la filiale concernée par l’attribution et que la filiale réponde aux conditions habituelles fixées de l’article 163 Bis G du CGI (essentiellement société par actions à l’IS de moins de 15 ans détenue majoritairement directement ou indirectement à plus de 75% par des personnes physiques). Cet élargissement du périmètre d’application entraînera une adaptation des clauses des pactes qui prévoyaient la mise en place de plan de BSPCE.

Par ailleurs, concernant les sociétés pouvant attribuer des BSPCE, il peut s’agir désormais de sociétés issues d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes sous réserve que chaque société prenant part à l’opération réponde aux conditions de l’article 163 Bis G du CGI. Cette modification offre un nouveau champ d’évolution capitalistique aux sociétés ayant émis des BSPCE. En effet, les sociétés émettrices de BSPCE voyaient souvent leurs projets d’opérations de haut de bilan se heurter au risque de remise en cause de l’avantage fiscal octroyé aux titulaires de bons ; ce risque disparaît désormais pour autant que les opérations en cause soient réalisées entre sociétés éligibles.

Y-a-t-il d’autres dispositions de la loi, fiscales notamment, qui ont un impact sur la rédaction des pactes d’actionnaires ?
Un autre sujet est la réduction d’impôt dite « Madelin » pour favoriser l’investissement dans les PME. La loi Macron prévoit une uniformisation du régime avec celui de l’ISF-PME et intègre, dans les exceptions à l’obligation de détention de la participation concernée pendant une durée minimum de 5 ans, le cas de l’obligation de cession prévue par un pacte d’actionnaires.

En effet, le bénéfice de l’avantage fiscal obtenu initialement par l’investisseur est conditionné par la détention des actions ayant permis l’investissement pendant une durée minimum de 5 années. Il s’agit d’une mesure de protection permettant de renforcer les fonds propres des entreprises concernées mais qui constituait un frein significatif à l’évolution du capital des entreprises ayant bénéficié de ce type d’investissement : aucune cession de contrôle à 100% n’était prévisible pour la société concernée pendant ce délai.

Le CGI est désormais modifié pour prévoir les hypothèses de cession forcée des titres en cause en application d’un pacte d’actionnaires.

Ainsi, on peut désormais intégrer une clause de cession conjointe forcée dans un pacte d’actionnaires conclu avec des investisseurs minoritaires ayant investi dans le cadre d’un dispositif Madelin et faire en sorte qu’elle puisse s’appliquer avant le terme de 5 ans prévu par la loi.

Dans cette hypothèse, l’investisseur ne verra pas son avantage fiscal remis en cause s’il réinvestit, dans un délai de 12 mois maximum, le produit de cession net des impôts et taxes, dans une PME éligible au dispositif « Madelin ».

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