Pratiques anti-concurrentielles : quelle répartition des amendes entre sociétés mères et filiales ?

Michel PonsardPhoto-Emilie-BuhéEmilie Buhé et Michel Ponsard Avocats Associés
UGGC AVOCATS
Intervenants lors de la Conférence « Conventions intragroupe » qui aura lieu les 25 et 26 novembre 2015 à Paris.

Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 17 septembre 2015 dans l’affaire C-597/13 P, Total SA c/ Commission européenne : la Cour rappelle que la société mère dont la responsabilité est entièrement dérivée de celle de sa filiale doit en principe bénéficier de la réduction d’amende octroyée à sa filiale.

Par un arrêt en date du 17 septembre 2015, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après la « CJUE ») est venue rappeler que la société mère dont la responsabilité est entièrement dérivée de celle de sa filiale doit en principe bénéficier de la réduction d’amende octroyée à sa filiale dont le comportement infractionnel lui a été imputé.

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence qui impute à la société mère les conséquences des pratiques anticoncurrentielles commises par ses filiales s’il apparaît que la filiale concernée ne disposait pas d’une autonomie d’action sur le marché. La filiale est présumée (présomption réfragable, elle peut être renversée) ne pas bénéficier d’une telle autonomie si elle est contrôlée totalement ou presque totalement par sa société mère. Il est cependant très rare que la Commission européenne ou la Cour de Justice admette une autonomie de la filiale dans de telles situations. En effet, le droit de la concurrence appréhende les activités économiques des entreprises. Cette notion d’activité économique doit être entendue comme désignant une unité économique, même si, d’un point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Il en résulte que dans certaines circonstances, une personne juridique qui n’est pas l’auteur d’une infraction peut toutefois être condamnée pour un comportement commis par une autre personne juridique dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même entité économique. C’est ainsi qu’une société mère peut se voir imputer le comportement infractionnel de sa filiale dès lors qu’elle exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa fille et que la filiale ne peut en conséquence être considérée autonome.

Dans l’affaire du 17 septembre 2015, la Commission européenne avait par décision en date du 1er octobre 2008 condamné la société Total France SA conjointement et solidairement avec sa maison mère, la société Total SA, à une amende de 128 163 000 euros pour avoir enfreint les règles de droit de la concurrence en participant à une entente sur les marchés des cires de paraffine et du « gatsch ».

Plus particulièrement, la Commission européenne avait constaté que les employés de la filiale, la société Total France SA avaient participé directement à l’infraction pendant toute sa durée et jugé que Total France SA devait donc être tenue directement responsable de l’entente.

Par ailleurs, dans la mesure où la presque intégralité du capital de la société Total France SA était détenu par la société Total SA, la Commission européenne avait jugé qu’il pouvait être présumé que la société Total SA exerçait une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et avait condamné la société Total SA conjointement et solidairement avec sa filiale.

Les sociétés Total SA et Total France SA ont déposé des recours à l’encontre de la décision de la Commission européenne. Par arrêts en date du 13 septembre 2013 (affaire T-548/08, Total SA c/ Commission européenne), le Tribunal de l’Union Européenne (ci-après « TUE ») a intégralement rejeté le recours formé par la société Total SA mais réduit à la somme de 125 459 842 euros l’amende infligée à la filiale sur des motifs tirés de la prise en compte de la durée de sa participation à l’entente (affaire T-566/08, Total Raffinage Marketing c/ Commission européenne).

La société mère a introduit un pourvoi devant la CJUE soutenant qu’elle aurait dû bénéficier de la même réduction d’amende dans la mesure où la responsabilité retenue à son encontre et sa condamnation au paiement solidaire de l’amende tiraient leur origine du seul comportement de sa filiale.

Par arrêt en date du 17 septembre 2015, la CJUE a fait droit aux demandes de la société Total SA et a réduit le montant de l’amende infligée à la société Total SA au niveau du montant de la sanction pécuniaire infligée à la société Total France SA.

La CJUE a en particulier jugé que dans une situation telle que celle en cause où la responsabilité de la société mère est purement dérivée de celle de sa filiale et dans laquelle aucun autre facteur ne caractérise individuellement le comportement reproché à la société mère, la responsabilité de cette société mère ne saurait excéder celle de sa filiale et que, si l’application de ce principe nécessite que certaine conditions de procédure soient réunies, notamment l’introduction de recours parallèles par la filiale et par la société mère ayant le même objet, ces conditions étaient en l’espèce réunies dans la mesure où les deux recours portaient notamment sur la durée de l’infraction.

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