Les nouvelles pratiques en matière de négociations contractuelles

Guillaume Rougier-BrierreGuillaume Rougier-Brierre
Associé, Avocat à la Cour
GIDE LOYRETTE NOUEL
Intervenant à la Conférence d’actualité EFE « Panorama 2014 des contrats internationaux », les 10, 11 et 12 décembre 2014 à ParisJohanne Coutier, Rédaction Analyses Experts : Quelles nouvelles pratiques en matière de négociation dans les contrats internationaux ?

Guillaume Rougier-Brierre : Comme je l’indiquais déjà lors de mes précédentes interventions dans vos colonnes, la négociation des contrats est pratiquée de façon certes variable ici ou là, mais, au fond, cela ne change pas beaucoup avec le temps. Les différences culturelles font varier les habitudes et les styles d’une région à une autre, mais les pratiques sont quand même bien installées. Depuis déjà pas mal d’années, on multiplie les accords intermédiaires, les avant-contrats (lettres d’intention ou autres term sheets et MoU) censés cristalliser l’état d’une négociation à un moment donné. L’objectif de ces pratiques, qui sont devenues monnaie courante dans les négociations de contrats internationaux, est d’acter les points acquis. Elles sont parfois nécessaires , car il y a de toute façon des juridictions dans lesquelles on ne peut pas tomber définitivement d’accord avant d’avoir procédé à différentes consultations, salariales par exemple. C’est vrai notamment en France et cela s’est renforcé d’ailleurs avec la loi « Hamon », dont le dispositif est en vigueur depuis le 1er novembre et qui, en résumé, oblige à notifier les salariés sur la volonté de céder de petites entreprises (moins de 50 salariés) au moins deux mois avant de signer la transaction.

Hors ces cas particuliers commandés par le contexte local, j’en vois l’utilité dans une négociation internationale complexe et longue, ou celles sous-tendues par des risques de contentieux élevés. Mais il faut qu’un avant-contrat conserve son esprit d’origine : être un accord simple et rapide, allant droit au but sur les sujets structurants comme les points « business » ou le calendrier d’une transaction, ne liant les parties que par leur bonne foi respective, sans terminologie juridique excessive longue à négocier. Sinon, il est souvent mieux de discuter directement du détail du contrat final – détail dans lequel se cachent les plus grosses difficultés qu’il faut aborder le plus vite possible.

Sinon, ces pratiques présentent des travers. D’abord, un travers un peu trivial, souvent le propre de certaines juridictions très « anglo-saxonisée», dont l’objectif est pour mes confrères de justifier leur rôle, de multiplier les honoraires. Ensuite, bien souvent, ces accords intermédiaires sont aussi longs à négocier que l’accord final. Ils n’évitent pas nécessairement les malentendus, ou, plus exactement, multiplient les sous-entendus et les non-dits. Or, dans la majorité des situations, il est inutile d’espérer se retrancher derrière des arguments de texte issus d’un accord préliminaire : c’est valable et normal dans le cadre d’un accord final, c’est souvent stérile dans une négociation dont l’objectif est de trouver des solutions, plus que d’anticiper des conflits ou une fin hâtive et brutale.

Johanne Coutier, Rédaction Analyses Experts : Quels recours possibles en cas d’inexécution ?

Guillaume Rougier-Brierre : Pas vraiment de changement là encore. Les paramètres de la décision sont toujours plus ou moins les mêmes. Cela dépend là encore de la nature du contrat inexécuté, des personnes concernées, comme de l’endroit où l’on se trouve. Dans certains pays, comme la Chine, on réfléchit toujours à deux fois avant d’attaquer l’État ou certains partenaires publics. Même dans la sphère « privée » ou parapublique, il faut accepter de renégocier ou alors de recourir à la médiation, souvent par l’intermédiaire d’un tiers de confiance. Il faut éviter le contentieux de droit commun, car dans beaucoup de cas, les étrangers ne combattent pas à armes égales. Ceci étant dit, on constate que l’administration chinoise peut revoir ses autorisations si on peut lui démontrer qu’elle s’est laissée abuser pour des fraudeurs, même chinois. Il n’est donc parfois pas besoin d’aller jusqu’au contentieux dans les cas extrêmes de fraudes. En revanche, l’arbitrage, dans ou hors de Chine, n’est pas forcément, non plus, la bonne solution, car on se heurte toujours à des difficultés réelles d’exécution des sentences sur le territoire chinois.

En Occident, dans les pays avec une tradition juridique mature, le recours aux juridictions de droit commun sont souvent un bon choix, certes parfois lent, mais peu coûteux et relativement professionnel. L’arbitrage est possible, mais, au-delà de toute autre considération, il faut, d’expérience, être sûr de la qualité des arbitres, de leur neutralité pour y recourir en confiance. En effet, dans certains pays, on se heurte parfois à l’endogamie des milieux de l’arbitrage (toujours les mêmes arbitres qui se connaissent tous trop bien). On voit aussi se développer ces dernières années les procédures de médiation. C’est évidemment moins « neutre » qu’un arbitrage, mais plus rapide, discret et souvent très efficace, car on peut mettre le droit de côté. Mais il faut avoir envie de tomber d’accord et pas simplement de « gagner » ou d’avoir raison et de faire du droit à tout prix, sinon c’est une simple perte de temps et il vaut mieux aller directement au contentieux.

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