Clauses d’indexation des loyers commerciaux : la redécouverte du code monétaire et financier

Françoise Auque
Professeur émérite de l’Université de Lille 2, Avocat Associé
DOXA
Intervenante EFE, formation « Baux commerciaux » des 7 et 8 février 2012, Paris

Les débats doctrinaux soulevés par la question de la régularité de certaines clauses d’indexation stipulées dans les baux commerciaux sont à la mesure des enjeux en cause. À une époque où les entreprises voient leur chiffre d’affaires se dégrader, récupérer quelques années d’indexation indue n’est pas anodin, notamment pour celles qui exploitent des surfaces importantes ou des emplacements dits numéro 1.

Plusieurs catégories de clauses suscitent l’interrogation, comme c’est le cas, par exemple, de l’indexation des loyers paliers. Mais seules deux clauses ont donné lieu à des décisions de justice.

La première stipule un indice de base immuable servant au calcul de l’indexation annuelle. À l’issue d’un an, le calcul de l’indexation s’effectue sur la variation de l’année ; mais la seconde indexation prend en considération la variation de deux années ; la troisième de trois années, ainsi de suite… Or, l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier prohibe la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. Le texte, qui a pour origine une ordonnance du 30 décembre 1958 destinée à lutter contre l’inflation, n’avait pas fait parler de lui depuis bien longtemps. À l’initiative d’un habile praticien, les locataires s’en sont récemment emparés pour plaider l’irrégularité de la clause figurant dans leur bail.

En 2009, la dix-huitième chambre du Tribunal de grande instance de Paris a fait sien leur raisonnement, bientôt imitée par d’autres juridictions de fond. Et puis, tout récemment, par un jugement du 1er décembre 2011, la même chambre parisienne a adopté une position inverse.

Seconde difficulté : la clause interdisant l’indexation du loyer à la baisse. Sur cette clause, aucune décision ne s’est directement prononcée. Un arrêt du 21 janvier 2010 de la Cour d’appel de Douai, à laquelle la question n’était pas directement posée, a seulement affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une clause d’indexation au sens de l’article L. 145-39 du Code de commerce, relevant incidemment la validité d’une telle stipulation. Des auteurs, tels notre collègue Moneger (JCP E 2011,36) ou notre confrère Brault (Loyers et copr. 2010,9) doutent, pourtant, avec de sérieux arguments à l’appui, de la régularité de ces clauses à caractère inflationniste, qui ont pour conséquence un loyer systématiquement en hausse, opinion que partage l’auteur de ces lignes.

Reste alors à régler le problème de la sanction, car deux régimes coexistent dans le Code monétaire et financier : la nullité et le « réputé non écrit ». Dans le premier cas, l’action est soumise à la prescription désormais de cinq ans ; et dans l’autre, elle est imprescriptible.

À supposer l’action en justice exercée dans les délais, faut-il admettre une restitution des loyers indus depuis l’origine du bail ou limiter la répétition de l’indû à cinq ans ? Frédéric Planckeel (AJDI 2011, 56) se demande, à juste titre, s’il ne serait pas paradoxal de soumettre les conséquences du « réputé non écrit » à un délai plus court que celles de la nullité absolue, qui concernant encore les baux conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription.

Pour une réponse à l’ensemble de ces questions, il faudra attendre la Cour de cassation. On comprend que la doctrine et la pratique soient impatientes d’une décision véritablement jurisprudentielle pour mettre fin à l’insécurité juridique.

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